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mercredi 29 août 2012

Il faut avoir l'oreille musicale pour entendre le rire de Dieu

" Il faut avoir l'oreille musicale pour entendre le rire de Dieu " (Erri De Luca)

Rien ne me réjouit plus qu'une phrase comme celle-là, d'autant qu'elle a été écrite par un poète de talent à la pensée dense.

La commenter, la développer, est un exercice périlleux. Sa force ne réside-t-elle pas dans sa concision ?
Je relève néanmoins le défi, parce que j'ai toujours en moi ce besoin de ne pas garder pour moi ce que je découvre ou ressens, mais de le partager.

Quatre mots se dégagent particulièrement : oreille, musicale, rire et Dieu. Enfin, une locution verbale mérite aussi peut-être un peu d'attention : il faut.

Je ne vais pas chercher à prouver l'existence ou la non existence de Dieu. Laissons-le à son mystère. N'est-ce pas mieux ? Pour faire l'expérience du mystère de Dieu, il faut toutefois lui prêter l'oreille. Si on dit a priori qu'il n'existe pas, comment espérer entendre quoi que ce soit de lui. C'est un peu le drame des athées par choix ou parce qu'on ne leur a malheureusement jamais offert d'aller voir au-delà d'eux-mêmes. Ils n'entendent qu'eux-mêmes, leurs semblables, leurs émotions, et plus rarement leur raison. Malheureusement, ils se coupent ainsi d'une grande partie de l'humanité, celle qui ne nie pas Dieu, quel que soit le degré d'adhésion de ceux-là à Dieu et l'expérience qu'il en font.

Une citation de Woody Allen est bien connue : " Si Dieu existe, j'espère qu'il a une excuse ". Je préfèrerai toujours un Dieu qui existe, quitte à s'excuser, à une absence de Dieu qui, par définition, n'a rien à dire.

Parmi les moyens qu'a Dieu pour s'excuser d'exister, il y a la musique.

Certes, tout le monde sait, depuis Cioran, que Dieu doit tout à Bach, ce qui est une jolie formule. Cependant, la musique existait avant Bach et existera toujours. Ne nous demandons même pas si Bach doit quelque chose à Dieu. Lui, le croyait en tout cas. Sans cette foi, nous ne pourrions entendre aujourd'hui les pages les plus sublimes de la musique.

La musique, la poésie, l'art en général n'ont d'autre objet, à propos d'un sujet précis, que de nous faire éprouver des émotions et parfois, plus  rarement, une émotion qui surpasse toutes les autres au point que nous sommes obligés de la qualifier d'indicible. On n'a plus de mots pour l'exprimer, la circonscrire. Or, l'indicible est précisément le nom de Dieu. Un hadith, pour exprimer cela, énonce 99 noms de Dieu, pour signifier précisément que l'on reste sans mot et qu'il faut sans cesse en chercher d'autres.

Oui, les musiciens (et les artistes) permettent à Dieu d'exister. Les mécréants et les croyants sont bien d'accord là-dessus.

Mais l'oreille musicale dont parle le poète est bien plus que cela. J'en fais l'expérience depuis un certain temps. Elle vagabonde entre des paroles de l'Ecriture sainte, des rencontres, des lectures, des faits divers ... Il s'agit toujours d'une petite musique, qui demande un peu d'attention et d'ouverture, mais finit toujours par me rejoindre et m'ouvrir à de nouveaux horizons. Je ne sais pas exactement d'où elle vient, de Dieu, sans doute ; il me plaît de l'écouter en tout cas.

Dans l'Eglise catholique, on ne parle jamais du rire de Dieu. Dieu est bon. Dieu est amour. Dieu pleure à cause de nos bêtises. Dieu pardonne. On ne dit jamais que Dieu rit. Je me demande aussi sérieusement si le dieu des musulmans rit quelquefois. On ne lui en donne guère l'occasion, à vrai dire.

Le seul auteur chrétien qui se soit risqué à parler de l'humour de Dieu est Gilbert le Mouël, dans un délicieux ouvrage " Dieu dans le métro". Je recommande chaleureusement ce petit livre où Dieu a  quelques points communs avec le Christ de Don Camillo.




Cependant, pour entendre parler du rire de Dieu, il faut aller dans le Talmud. Rien de tel en effet que la tradition juive pour se défaire de ses complexes devant Dieu.



J'ai bien entendu parlé de l'humour DE Dieu, pas de l'humour A PROPOS de Dieu, où l'on trouve le meilleur et surtout le pire.

Je pourrais en rester là, mais, je l'avais annoncé, je dois encore me confronter au prologue de la citation (il faut).

Comment espérer toucher au meilleur de Dieu, son rire, sans un certain effort ? Certains sont dotés de naissance d'une oreille musicale. Ils perçoivent spontanément les intervalles et les harmonies. D'autres, mieux dotés encore, n'ont pas besoin d'un diapason pour donner le la. Ce n'est pas parce qu'il sont mieux dotés qu'il entendent mieux. Ils entendent bien certaines choses et d'autres mal parfois.

Pour entendre le rire et la musique de Dieu, il faut patiemment éduquer son oreille et sa capacité d'écoute.












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