Les chrétiens vont fêter ce 15 août la fête de
l'assomption. Dans mon quartier d'Outremeuse, c'est aussi une fête folklorique
et plusieurs jours de libation fort arrosés.
La fête de l'assomption de Marie serait-elle
devenue un simple prétexte ? Le public présent à la messe en wallon, les
dévotions ferventes à la Vierge dans l'Eglise Saint Nicolas et l'exceptionnelle
bénédiction des amoureux témoignent du contraire.
Le mot "assomption" se réfère à un
dogme de l'Eglise catholique romaine, selon lequel Marie, la mère de Jésus,
aurait été, après sa vie terrestre, "élevée au ciel". Je
n'aime pas les dogmes en tant que vérités incontestables. Je ne les refuse pas,
s'ils sont porteurs de sens, fût-ce un certain sens.
A part Jésus, lors de l'ascension - mais, lui, on
peut comprendre, il était le fils de Dieu - personne d'autre que Marie, sa
mère, n'a ainsi été élevé au ciel, même pas les saints. Pourquoi ce privilège ?
Je me dois de souligner que l'Ancien Testament comporte un précédent étrange : Elie a été emporté vivant au ciel sur un char de feu (2 Rois, 2, 1-11).
J'y vois au moins deux raisons, pour ma part (il s'agit donc
de ma propre lecture du dogme).
La première : Marie, femme, simple mère, modèle
d'humanité, a eu accès au ciel, au royaume de Dieu, avant tout jugement
dernier. C'est dire si ce Royaume n'est pas réservé, qu'il est ouvert à tout
homme, à toute femme, à condition peut-être ... de suivre l'exemple unique de Marie.
La seconde : qu'a fait Marie, comment Marie
a-t-elle vécu pour mériter ce privilège ? Marie a-t-elle fait de grandes choses
? On sait peu d'elles, à vrai dire. Elle a accepté l'impossible, l'incroyable,
annoncé par l'ange Gabriel (Lc, 1, 26 et sv.). Elle est allée rencontrer et
aider sa cousine Elisabeth ( Lc, 1, 39 et sv.). Elle s'est inquiétée de la
disparition de Jésus à Jérusalem, quand il avait douze ans (Lc, 2, 11 et sv.).
Elle a laissé Jésus vivre son destin et a sans doute souffert quand il a posé
la question : "qui sont ma mère et
mes frères ?" (Mt, 1, 48). Elle était au pied de la croix pleurant
devant son fils humilié et mourant (Jn, 19, 25). Elle était aussi auprès des
disciples après la mort de Jésus (Ac, 1, 14). Rien d'héroïque. Juste une vie
normale de mère pleinement investie par sa condition de mère et son humanité.
Ce n'est pas par l'héroïsme, ou les actes extraordinaires, qu'on accède au
Royaume de Dieu, mais par une confiance totale, un abandon même, à vivre ce que
l'on doit vivre comme humain, chacun dans sa singularité.
Mon quartier, qui est fait de beaucoup de petites
gens, incarne beaucoup ce Royaume de Dieu.
Oui, ce message est politique, au sens de vivre sa vie dans la cité d'une certaine manière.
Je me dois de souligner particulièrement la
bénédiction des amoureux, le 15 août, à 18 heures à l'église Saint Nicolas,
devant Marie, car cette bénédiction doit être unique au monde. Cette
bénédiction est ouverte à tous les amoureux, jeunes et vieux, fiancés et vieux
couples, couples recomposés, couples homos, quelle que soit la conviction
religieuse, le curé l'a bien précisé. Il s'agit de rendre grâce pour l'amour
vécu et de le confier à celui que nous voulons bien appeler Dieu, avec l'aide
de Marie qui nous a précédés.
Au même moment, en France, à l'initiative de Mgr
André Vingt-Trois, archevêque de Paris, une prière a été proposée à toutes les
paroisses de France, pour la fête de l'assomption.
En voici les termes :
" En ces temps de crise
économique, beaucoup de nos
concitoyens sont victimes de restrictions diverses et voient l'avenir avec
inquiétude ; prions pour celles et ceux qui ont des pouvoirs de décision dans
ce domaine et demandons à Dieu qu'il nous rende encore plus généreux encore
dans la solidarité avec nos semblables ;
Pour
celles et ceux qui ont été élus pour légiférer et gouverner; que leur sens du
bien commun l'emportent sur les requêtes particulières et qu'ils aient la force
de suivre les indications de leur conscience ;
Pour les
familles, que leur attente légitime d'un soutien de la société ne soit pas
déçue; que leurs membres se soutiennent avec fidélité et tendresse tout au long
de leur existence, particulièrement dans les moments douloureux. Que
l'engagement des époux et envers leurs enfants soit un signe de la fidélité de
l'amour ;
Pour les
enfants et les jeunes ; que tous nous aidions chacun à découvrir son propre
chemin vers le bonheur; qu'ils cessent d'être l'objet des désirs et des
conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l'amour d'un père et d'une
mère".
Cette prière, qui n'est qu'une prière, me semble fort consensuelle et
même d'inspiration plus laïque que véritablement chrétienne (à part la
référence à Dieu et, dans la finale, non reproduite, celle à Marie, patronne de
la France). Je savais que saint Benoît était le patron de l'Europe et viens
d'apprendre que saint Joseph était le
saint patron de la Belgique !
Elle suscite pourtant la polémique. La raison est double :
- d'abord, l'Eglise de France y réaffirme, sans surprise pourtant, sa vision de
la famille (un père et une mère) et manifesterait ainsi sa totale
incompréhension à l'égard des couples homosexuels (voire des familles monoparentales);
- ensuite, elle semble vouloir faire pression sur la conscience des
élus, ce qui ne peut se tolérer dans un Etat laïc.
N'est-ce pas une tempête dans un verre d'eau de la part de ceux qui critiquent, en
l'espèce, l'Eglise ? Une prière a-t-elle jamais influencé le vote d'un parlementaire
élu ?
Ce qui m'inquiète, c'est la réaction médiatique de l'Eglise de France, par la
bouche du cardinal Barbarin, face à cette polémique :
" La prière a une dimension politique ... C'est une rupture de civilisation de vouloir dénaturer le mariage qui est
depuis toujours une réalité merveilleuse et fragile", juge Philippe
Barbarin, qui se défend de toute atteinte à la laïcité (à propos du projet du
gouvernement de légaliser le mariage homosexuel). "La laïcité interdirait-elle la prière ?" s'est-il interrogé.
Si on peut espérer qu'aucune prière à Dieu n'ait jamais influencé un élu, on peut douter du contraire s'agissant de certains électeurs. Le cardinal Barbarin a bien situé l'enjeu au-delà du côté apparement consensuel et ouvert du propos. Oui, une simple prière peut avoir une dimension politique ... Cette initiative de l'église de France, par son côté médiatisé, appelle au moins une réserve et, de ma part, une certaine incompréhension.
Si on peut espérer qu'aucune prière à Dieu n'ait jamais influencé un élu, on peut douter du contraire s'agissant de certains électeurs. Le cardinal Barbarin a bien situé l'enjeu au-delà du côté apparement consensuel et ouvert du propos. Oui, une simple prière peut avoir une dimension politique ... Cette initiative de l'église de France, par son côté médiatisé, appelle au moins une réserve et, de ma part, une certaine incompréhension.
Quant à Nadine Morano, pour l'anecdote, une fois de plus, elle aurait mieux fait de
se taire :
Je suis tellement content de résider dans la République libre et multi-cultu(r)elle d'Outremeuse, là où on ne
polémique pas et où le curé bénit les amoureux sans distinction. Là où un musulman prend la parole lors de la messe du 15 août et où on se souhaite bonne fête de Pâques" et "bonne fête de l'Aïd".
Un de mes lecteurs (Jean-Noël Fabiani) me suggère une explication à l'élévation de Marie. Marie n'est-elle pas celle qui est à l'origine du mystère le plus profond qui soit, qui n'est pas la Résurrection, mais l'Incarnation. Je lui promets de creuser la question avec mes modestes moyens (je ne suis pas théologien, juste un chercheur de la foi).
RépondreSupprimerComplément d'information :
RépondreSupprimerhttp://www.lemonde.fr/societe/article/2012/08/15/mariage-homosexuel-certaines-paroisses-choisissent-leur-propre-priere-pour-l-assomption_1746022_3224.html