Un passage des évangiles m'a toujours interpelé : la rencontre entre Jésus et un homme riche (Mc, 10, 17-30). Pourquoi la tradition a-t-elle dit qu'il s'agissait d'un jeune homme riche ? Les textes ne le disent pas (Mt, 19, 16-30; Lc, 18, 18-30). Faut-il parfois se méfier de la tradition ?
Cet homme riche est dans l'urgence. Manifestement, quelque chose le tracasse, car il vient à Jésus en courant et se jetant à ses genoux, avec une question peu banale : "que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage ?". Il y a une attente chez cet homme, pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit de la vie éternelle, une attente urgente aussi ; mais, dans sa question, cet homme semble anticiper la réponse "que dois-je faire ?", comme s'il n'y avait pas d'autre réponse possible. Pour lui, il s'agit bien de savoir quoi faire.
Il appelle "bon maître" celui qu'il vient solliciter, croyant ainsi obtenir ses faveurs. Cela commence mal pour lui : "Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon que Dieu seul" .
Deux maladresses de sa part, en deux versets :
- d'abord, il fixe le cadre et les limites de la réponse qu'il attend, sans être ouvert à une autre réponse ;
- ensuite, il ne trouve pas les mots exacts pour s'adresser à son interlocuteur, peut-être se trompe-t-il, sans le savoir, d'interlocuteur ?
Arrêtons-nous un instant. N'agissons pas comme lui plus souvent qu'à notre tour ?
Jésus le soumet alors à une espèce d'examen de conscience, comme le faisaient les confesseurs d'antan dans l'obscurité de leurs confessionnaux. Il a de la chance cet homme riche : il a toujours respecté tous les commandements. Comme bien d'autres qui croient qu'être religieux, cela consiste à se soumettre à des obligations. Mais, alors, pourquoi est-il venu en courant vers Jésus ? Ressentait-il un manque, malgré son respect scrupuleux des règles ?
Le plus beau moment du récit vient alors. Jésus se sent comme désarmé face à cet homme. Il se prend à l'aimer.
Il lui dit alors quelque chose d'inouï : "une seule chose te manque". Une seule !
"Va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel. Puis, viens, suis-moi".
A ces mots, il s'assombrit et s'en alla tout triste.
Pourquoi ?
Le texte le dit : "il avait de grands biens".
Arrêtons de penser que le texte ne parle que d'argent, de possessions matérielles et de partage des biens.
Ce que ne parvient pas à surmonter l'homme riche, c'est une incapacité à être dépossédé de lui-même, à s'oublier pour devenir un espace libre, ouvert à d'autres horizons, d'autres possibles que ses attentes. Non point faire, mais être.
Asphalt Jungle, un podcast littéraire à découvrir !
Il y a 11 mois
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