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lundi 11 juillet 2011

La Flandre en fête

La Flandre, ce 11 juillet, s'auto-congratule et roule des mécaniques à l'occasion de la célébration de la "Bataille des éperons d'or", une bataille qui, en 1302, à Courtrai (Kortrijk), a opposé des milices flamandes au roi Philippe le Bel de France. Il s'agissait d'une question de taxes. On se battait alors, avec des armes, quand on trouvait les impôts trop élevés. Les flamands de Belgique (à bien distinguer des flamands de France) voient aujourd'hui dans la victoire des milices créées par leurs boutiquiers contre le Roi de France le symbole de leur indépendance. Bref, déjà à l'époque, ils chassaient le "fransquillon" qui, par définition, les exploite et leur fait payer des impôts qu'ils jugent indus puisqu'ils profiteront à d'autres qu'eux-mêmes. A cette époque lointaine, les flamands n'étaient point hostiles aux wallons. Et sans l'intervention de renforts venant de Namur (capitale actuelle de la Wallonie), tout aussi remontés contre la France, ils n'auraient sans doute jamais remporté la victoire. De là vient peut-être la devise de la Belgique "L'union fait la force". Qui sait?



La bataille des éperons d'or, enluminure



La bataille des éperons d'or
selon Nicaise de Keyser (1836)


La bataille des éperons d'or
selon James Ensor


Aujourd'hui, il y a un formateur, mandaté par le Roi. Il y a un texte amendable (il n'est pas "à prendre ou à laisser"), proposé par ce formateur qui, après un an (!) de négociations et de palabres, tente de faire une synthèse équilibrée et, à certains égards, audacieuse des différentes positions.

Face à cette note, il y a la NVA, le parti qui dit "non" à tout et refuse de se mettre à la table des négociations sur la base de ce texte "inacceptable", ce même parti qui, depuis des mois, refuse aussi toute rencontre avec les autres partis autour d'une même table. Puis, il y a le CD&V, le parti qui dit "je ne sais pas, mais cela devrait être comme la NVA". En face,  il y a le VLD et son président Alexander de Croo qui, prenant de la bouteille, estime que cela ne peut plus durer et est prêt à une négociation sans la NVA. Il y a le SPA, le parti de Johan Vande Lanotte, qui est prêt à négocier aussi et a produit la note la plus constructive de toute cette épouvantable histoire. Puis, il y a le petit parti Groen, qui est aussi ouvert à la négociation qu'il ne mènera pas - c'est à souligner - sans ses alliés d'Ecolo.

Ils sont quand même gonflés ces flamands du CD&V: ils ne reviendront éventuellement à la table des négociations que si le formateur réécrit sa note de synthèse pourtant jugée équilibrée par à peu près tout le monde (7 partis sur 9, patronat, syndicats, presse flamande et francophone).

Qu'est-ce que cela veut dire?

Ce parti se dit prêt à se retrouver à une table de négociation, mais à la condition expresse que le texte à négocier soit préalablement réécrit dans le sens qu'il souhaite ! Non, ce n'est pas une hallucination ! Il n'y a évidemment pas de négociation possible quand une des parties décide unilatéralement, avant même que la négociation débute, de ce qu'elle veut trouver dans l'accord final. Il n'y a alors plus rien à négocier du tout. C'est le propre des pouvoirs totalitaires. Ils ne cèdent rien, parce qu'ils sont persuadés d'être tout. Les autres face à eux peuvent s'épuiser, ils n'en obtiennent rien.

C.D.&V. et N.V.A. ne cessent de parler d'une révolution copernicienne pour la Belgique. Elle est connue: ils ne veulent plus entendre parler d'un Etat fédéral belge, mais d'une confédération entre la Flandre et la Wallonie (avec des statuts particuliers pour Bruxelles, qui serait en Flandre, avec une possibilité de co-gestion, et la partie germanophone du pays, qui ne s'est jamais plainte d'avoir été rattachée à la Région wallonne). Tout ceci provisoirement avant l'indépendance totale de la Flandre, comme Etat au sein de l'Union européenne; mais pas seulement Etat, a précisé Bart de Wever, car il faut que la Flandre devienne un Etat-nation, pas un Etat fédéré, comme la Bavière, le Québec ou le Wisconsin. C'est clair, non?

Je ne parviens pas à croire que tous les flamands soient totalitaires. Je suis même sûr du contraire. Qu'ils soient désireux d'une plus grande efficacité de nos trop nombreux niveaux de pouvoir, je les comprends; qu'ils soient lassés des querelles autour de BHV, je les comprends aussi. Qu'on les ait abreuvés de slogans sur les wallons fainéants, sur les transferts de la Flandre vers la Wallonie, cela ne m'étonne pas; certains usent de tous les moyens, même le mensonge, pour se faire une place dans l'arène politique. Mais apparemment une large fraction des flamands est nationaliste. Cela est inquiétant, car les nationalismes sont synonymes de régression et de repli. Ils nourrissent autour d'un concept flou d'identité nationale tout ce qu'il peut y avoir de plus détestable dans une société.

J'aime beaucoup la vision de Johan Vande Lanotte pour une Union Belge, fédération de quatre Etats (Flandre, Wallonie, Bruxelles, Germanie).

Mais qui dit Etat dit territoire ... cela promet avec les nationalistes flamands! Pourtant, quand on contemple l'histoire, les frontières ont toujours fluctué au fils du temps, des conflits, des arrangements, des alliances, des mouvements de population. Aucune frontière ne peut jamais prétendre être définitive.

Un Etat implique-t-il une seule langue (sur le modèle républicain français)? On voit bien un peu partout dans le monde que ce n'est pas le cas et qu'il s'agit d'une vision du passé.

Récemment, le Maroc vient de reconnaître à la culture et à la langue amazigh (berbère) un statut national. Au Maroc, on parle donc trois langues et, si l'arabe est la première langue officielle, le français est la langue du droit, des affaires, de l'enseignement supérieur et d'une partie de la presse. Précisément ce que les flamands radicaux ne peuvent accepter chez eux.

Prenons un autre exemple: l'île Maurice. La constitution ne mentionne aucune langue officielle. L'anglais est utilisé pour l'administration (les anglais ayant été les derniers à administrer l'île avant son indépendance). Le français est la langue du monde des affaires et de l'information (presse et télévision). La population au quotidien parle des tas de langues différentes et un créole passe partout. Et personne ne se plaint.

Quand je vois l'extrême créativité de la Flandre dans le domaine des arts et de la création (mode, chanson, théâtre, architecture ...), je ne parviens pas à croire que ces créateurs soient des flamands repliés sur eux-mêmes attendant la création d'un Etat flamand pour être reconnus.

On a souvent dit que la Belgique est le laboratoire de l'Europe. Si tel est le cas, au vu de la situation actuelle, je ne donne pas cher de l'avenir de l'Europe.


Illustrations sonores

Wannes van de Velde: De flamingant ne me traitez
http://www.youtube.com/watch?v=6BE4W7Vp-Cc&feature=youtu.be

Jacques Brel: Les flamingants
http://www.youtube.com/watch?v=fGpV8rX-9oA&feature=related

1 commentaire:

  1. Très bon billet, mes compliments. Votre vue de la situation, prise d'un angle plus large que celui de la presse, permet de se forger une opinion plus lucide. Merci.

    F

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