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samedi 9 juillet 2011

Le plaisir des mots à la liégeoise VI

Il y a longtemps que je n'ai plus consacré un article aux expressions locales, en usage chez moi, qui ne sont pas moins françaises que les autres. Il faudra s'y faire quand la Wallonie sera rattachée à la France!

Athénée: établissement public d'enseignement secondaire général. Dans l'enseignement catholique, on préfère parler de "collège" pour les garçons et de "lycée" pour les filles. Maintenant que ces établissements sont devenus mixtes, on ne sait plus à quel saint se vouer. Bref, notre terminologie diverge pour le moins du vocabulaire français. Le baccalauréat s'obtient, en Belgique, après trois ans à l'université; il couronne les études secondaires en France et donne accès à l'université.


L'athénée Saucy à 50 mètres de chez moi


Ballotin: il s'agit d'une boîte en carton raffinée destinée à accueillir des pralines (c'est-à-dire des chocolats). La praline est un chocolat de luxe qui peut parfois relever du grand art chez certains chocolatiers. On offre, et on s'offre, volontiers un ballotin de pralines en Belgique.




Coupérou: une culbute "roulé-boulé". J'ai toujours trouvé plus drôle de faire un "coupérou" qu'un "roulé-boulé" tellement plus prétentieux.

Craquelin: lors de nos vacances en Bretagne, ma grand-mère mangeait et ramenait toujours en Belgique des craquelins. Il s'agissait d'espèces de biscottes en moins séduisant, généralement non salées ... bref, des biscuits cuits à l'eau bouillante selon, paraît-il, une recette du Moyen-Age. L'appellation "craquelin" viendrait, selon Wikipedia, du néerlandais "crakelinc" (qui craque sous la dent). Information à vérifier. L'influence du néerlandais sur la langue bretonne depuis le Moyen-Age a-t-elle été jamais vraiment étudiée? En Belgique, un craquelin est un "cramique" sans raisins. Le craquelin et le cramique sont des pains briochés, avec du sucre perlé, sans ou avec des raisins de Corinthe. Avec mes parents, le dimanche, nous allions parfois nous promener dans la vallée de l'Amblève et nous nous arrêtions souvent à l'auberge de Monthouet qui n'existe plus. Une petite maison qui croulait sous la verdure. Le patron était russe, il servait comme goûter du cramique, avec du beurre et du chocolat chaud (ou du café).

 Un craquelin de chez moi



Des craquelins de ma grand-mère.
On voit tout de suite la différence entre l'ascétisme de ma grand-mère
et mon goût des bonnes choses.



Un pain cramique


Glo: Se dit d'une pâtisserie très (trop) riche, du genre gâteau avec du beurre, du chocolat fondu, de la crême pâtissière, de la crême fraîche, de la crême au beurre, du rhum, du gâteau de Savoie, de la mousse au chocolat ... généralement le tout ensemble. Ma mère a toujours aimé ce qui est "glo". Moi pas évidemment, qui n'accepte comme pâtisserie que les gaufres au fruits et les croûtes aux pommes, aux fraises ou aux framboises.



Exemple de gâteau "glo"


Margaille: j'aime beaucoup ce mot, il désigne une dispute, une querelle, mais avec une nuance de légèreté. Il évoque ces disputes qui ne durent qu'un temps parce que les protagonistes ont un peu trop la tête près du bonnet, alors qu'ils ne sont pas de mauvais bougres.

Potiquet: un pot (un petit pot, par exemple, un pot à crayons). Un pot est toujours et nécessairement là où on le place. Il n'a pas voix au chapitre et, s'il était sollicité, il n'aurait rien à dire. En français, on pourrait peut-être parler dès lors d'une potiche. Mais le mot "potiquet" va au-delà de cela. Il s'agit bien d'un petit pot, mais où l'on peut déposer de multiples choses que l'on veut cacher ou ranger. Mon fils Sam a ainsi une tendance certaine à transformer tous les pots de mon appartement en "potiquets". C'est comme cela que je le comprends en tout cas.

Tirer son plan: je  vois déjà quelques lecteurs, l'oeil égrillard, penser à plein de choses bien machistes. Je vais les décevoir: celui qui tire son plan est simplement quelqu'un qui se débrouille. "Trek ta plan", dit-on en brusseleir. Il n'y a que les français qui pensent à autre chose.

1 commentaire:

  1. Hahaa... Quel plaisir de lire tout cela.

    Quelques nuances.

    Athénée : collège dans l'enseignement libre, ou lycée pour les filles, mais seulement dans une perspective historique (établissement d'enseignement secondaire qui fut, à une époque, réservé aux jeunes filles, et qui, devenu mixte, n'a pas souhaité changer de nom. Exemples : le Lycée Saint-Jacques ou le Lycée de Waha). Vous ne mentionnez pas les nombreux "Instituts", donc celui de Notre-Dame de Jupille, cher à ma mémoire ("Vous êtes si jolies quand vous passez le soir à l'angle de ma rue") ni les établissements assez malins pour ne pas se définir comme collège ou autre - quoique... - par exemple les Dames de l'Instruction Chrétienne, rue Sur la Fontaine.
    C'est peu de dire que nous n'utilisons pas le vocabulaire français de France, où collège et lycée correspondent, en gros, à nos humanités inférieures et supérieures - distinction qui, depuis le rénové et ses trois cycles de deux ans, a pris du plomb dans l'aile.
    Quant au baccalauréat, c'est le terme le plus mal choisi dans la réforme "Bologne" des études supérieures. Retenu pour correspondre au Bachelor américain, il induit une confusion regrettable avec le bac' français et ses notations connexes, comme Bac+3, Bac+5...
    A noter que l'Athénée Saucy relève de l'enseignement public organisé par la Ville de Liège, non de celui organisé par la Communauté Française : il a ses propres inspecteurs, membres du personnel de la Ville, et n'est jamais passé au rénové, ce qui fait qu'il y reste des cours de latin jusqu'en rhéto - mais pas de grec, le public, à 98% (98, je confirme) d'origine allochtone, n'en voyant pas la nécessité.

    Coupérou : nous sommes d'accord sur la figure gymnastique, mais je l'écrirais coupèrou, comme il se prononce. Le terme doit être wallon, je vais chercher.

    Cramique : je ne sais pas, et ne veux pas savoir, ce que peut être un cramique sans raisins de Corinthe. Quant aux craquelins, ça n'a pas l'air bien gourmand (qui donne envie d'être mangé, sens attesté au Robert, par un transfert de sens amusant).

    Glo : là, je suis muet. Jamais entendu ce mot, en 54 ans de vie à Liège. Mais je ne suis pas du tout gâteaux et desserts.

    Tirer son plan : selon moi, n'est jamais employé qu'à l'impératif (Tire ton plan !). Tirer son plan, c'est devoir se démerder, se tirer d'affaire, seul. "Tire ton plan", c'est "Démerde-toi sans moi".

    Pourquoi "plan", et pourquoi "trek u plan" chez les voisins, alors là ?

    F

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