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dimanche 13 mai 2012

Le sel dans la pâte

Un ami, s'inquiétant un peu pour moi, m'interrogeait, l'autre jour, sur ma vie de foi, qui l'intriguait, et, plus encore, sur son expression particulière, la vie monastique. Il me disait : ne te coupes-tu pas ainsi de la vie ?

Ma réponse risque de surprendre mon ami.

Tout d'abord, ce qui caractérise la vie monastique, c'est en effet un certain retrait, une certaine distance, un certain silence. Le retrait (faire retraite) permet toujours de voir, à la fin, les choses autrement. Il n'y a rien de religieux là-dedans. Il s'agit plutôt de renoncer un temps (ou plus longtemps) à l'agitation du monde, de redonner une vertu au temps et au silence. Un peu avant mon départ, le jeune doyen promu de ma faculté, imprégné des vertus "manageuriales" américaines avait décidé d'une "mise au vert," une fois par an, de l'ensemble du personnel enseignant. Au programme, ateliers,  débats, rencontres conviviales, parcours d'aventure ou de golf, sport extrême, concert, repas gastronomique ... On ne trouvait, dans ce programme, ni temps de silence, ni moments de solitude. Je savais, quant à moi, que, si l'on avait imposé deux heures de solitude silencieuses obligatoires, mes estimés collègues en auraient profité pour travailler, ce qui n'était pas le but. Par contre,  un certain nombre d'entre eux envisageaient avec excitation un saut en parachute ou un passage au dessus d'un gouffre sur un pont de singe.

Ensuite, je voudrais dire à mon ami que les habitants des monastères ne sont ni ignorants, ni séparés de la vie. Bien au contraire.

Dans les monastères que je connais, et dans celui que je fréquente particulièrement, la vie ne cesse d'être présente sous bien des formes. D'abord, au sein de la communauté, avec ses joies et ses difficultés. Le monastère n'est pas, ou est de moins en moins, un monde enfermé par une clôture. Bien des questions, bien des errements, bien des attentes, bien des souffrances s'y trouvent exprimées, vécues et portées par la communauté. La porte est ouverte. La communauté accueille tout le monde, même les non-croyants, avec une prédilection pour ceux qui sont les plus fragiles. Le monastère ainsi est, grâce à l'hôtellerie et à son réseau de familiers, un lieu d'égalité : on y croise des riches et des pauvres ; des "né-natifs" et d'autres de toutes les races ; des valides et des moins valides ; des croyants et des non-croyants. Bien plus que partout ailleurs, on rencontre au monastère une extrême diversité d'êtres humains. Dans le vie, nous sommes tellement conditionnés par nos milieux sociaux, professionnels, culturels, religieux ou rivés à ceux-ci. Là, les barrières tombent.

Qu'y a -t-il de plus, ou de différent, dans ma vie, à partir du moment où je la définis comme une vie de foi ? J'ai envie de dire : un grain de sel.

Du pain sans un peu de sel n'a pas de goût. Mais on ne peut pas isoler le sel dans le pain. Le sel donne au pain sa saveur, il est discret et parfaitement intégré à tous les autres ingrédients. Telle est la place de la foi dans ma vie. Discrète et donnant du goût à celle-ci.

J'ai envie de dire à mon ami : à chacun d'épicer sa vie, comme il l'entend ; ce qui compte, c'est de trouver le juste dosage, comme dans les 500 versions qui existent du curry, par exemple, afin que la vie soit vie et qu'elle porte du fruit.

Une chose est sûre, sans sa dimension religieuse, ma vie n'aurait sans doute pas, à mes yeux, la même valeur d'être vécue






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