J'ai chez moi, en héritage, plusieurs ouvrages
auxquels ma grand-mère tenait particulièrement. Ils sont reliés plein cuir. Il
s'agit rarement de romans. Ils touchent toujours à la spiritualité et à la foi
chrétienne. C'est une histoire de famille.
J'ai fait un petit inventaire. Il n'est pas
inintéressant de savoir ce que ma grand-mère, née le 25 décembre 1899, lisait.
Cela commence bien. Le premier ouvrage sur lequel
je tombe est un commentaire de la règle de Saint Benoît, écrit par un chanoine,
oblat de l'abbaye de Saint Wandrille (G.A. Simon, La règle de Saint Benoît
commentée pour les oblats de son ordre, éd. de Fontenelle, 1947, 3ème éd.).
Parcourant ce livre, je découvre la signature de ma grand-mère à la page 25.
Elle marquait tous ses livres à la page 25. J'ai conservé le
livre, mais ne l'ai jamais lu.
Ensuite, François Mauriac (1885-1970). Ma grand-mère a
toujours voué une grande admiration à François Mauriac. Elle ne savait pas tout
de lui.
L'ouvrage que j'ai entre les mains s'intitule Nouveaux
mémoires intérieurs, Flammarion, 1965. Je constate que, comme moi, ma
grand-mère souligne les phrases qui l'interpellent. Je découvre que ma
grand-mère préférait la poésie au roman. Que les références littéraires de ma
grand-mère s'appelaient Claudel, Bernanos, Péguy et Maritain. Et je constate
que le thème de la vieillesse ne la quittait jamais : "Un jour, cela
compte à notre âge. Il est doux à tout âge de voir la lumière ; mais quand le
déclin est venu, comment décrire ce bonheur d'être forcé de fermer les yeux
quand le soleil de l'arrière-saison nous enveloppe de la dernière caresse à
laquelle nous ayons droit "
Le couple Raïssa et Jacques Maritain figure aussi
dans le panthéon de ma grand-mère. Jacques Maritain (1882-1973) est un
philosophe français, converti au catholicisme. Le scientisme en vigueur à la
Sorbonne, en son temps, lui a semblé inapte à répondre aux grandes questions de la vie. Il a été un grand spécialiste de Thomas d'Aquin. Après une période où
il a été proche de l'Action française,
il s'est ouvert à la démocratie et la laïcité. Et son oeuvre a influencé les
débuts de la démocratie chrétienne.
J'ai sous la main un livre de Raïssa Maritain, Les grandes amitiés, Desclée de Brouwer,
1949.
Les passages soulignés par ma grand-mère me touchent
et m'émeuvent profondément. Je découvre à quel point ma grand-mère a été
habitée par la tristesse, par le doute, par le silence de Dieu. Impossible de
les citer ici. Je découvre, adulte, ma grand-mère comme je ne l'ai jamais connue
enfant.
Deux ouvrages aussi de Louis Evely : C'est toi cet homme, Editions
universitaires, 1956 et Notre Père,
Editions Fleurus, 1956.
J'aime beaucoup que ma grand-mère ait souligné,
dans la préface de l'un deux, le passage suivant : " des vérités que l'on croyait connaître et qu'on découvre de façon
nouvelle ". A ceux qui m'opposent sans cesse le dogmatisme de la
religion catholique, je leur conseille de prendre rendez-vous avec ma
grand-mère. Et j'aime cette phrase qu'elle a soulignée : " Nous ne sommes pardonnés que si nous
pardonnons ".
En 1972, j'avais 17 ans, ma grand-mère, m'a
offert un livre qui m'a marqué : Joseph Malègue (1876-1940), Augustin ou le maître est là, Editions
Spes. Le héros traverse, affronte, la crise moderniste qui a tant perturbé ma
grand-mère. A l'époque, j'ai lu tout cela sans bien comprendre. Je dois
absolument relire ce livre au style ciselé.
Je relis surtout sa dédicace : " Dieu ne laisse pas errer jusqu'à la fin ceux
qui, le cherchant dans la bonne foi de leur coeur, ne l'ont pas trouvé. Il
enverrait plutôt un ange " (Thomas d'Aquin).
Et " Pourquoi
un vaste Dieu inconnu n'absorberait-il pas fraternellement, avec tous ceux qui
ont cru le trouver, ceux qui l'ont cherché en vain, dans les larmes et les
ténèbres de la terre ? " (J. Malègue).
C'est ce que me léguait ma grand-mère avec sa plus tendre
affection et que je ne pouvais pas vraiment comprendre. Aujourd'hui, cela me
bouleverse vraiment.
Et puis, il faudrait aussi que je parle de Gustave Thibon et de Marcel Légaut, deux autres référents de ma grand-mère, de sa génération.
Gustave Thibon
Marcel Légaut
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