De chez moi au coin la rue des Anges, il me faut entre 20 et 25 minutes à pied. J'avais rendez-vous, pour la deuxième fois ce matin, chez mon chiropractor. Ce trajet-là, je veux le faire à pied, malgré la douleur à chaque pas.
Pour un peu changer, je décide, ce jour, de ne pas remonter la rue Saint Gilles, mais de suivre le Boulevard d'Avroy. A hauteur du n° 54, se profile un petit personnage plein d'énergie, en jeans avec un bonnet sur la tête en train de balayer la neige. Je l'avais reconnue à 50 mètres de distance. "Quelle énergie Soeur Jean-Baptiste!". "Oh, Xavier!" Petit moment de gêne. Ma vie passée a laissé des traces et sans doute brisé quelques illusions. "C'est la troisième fois depuis ce matin. J'ai balayé à 5 heures du matin, puis après la messe, et maintenant. En plus, quand on a pignon sur rue, comme nous, cela en représente des mètres de trottoir!". Oui, en effet. Soeur Jean-Baptiste est de ma génération, mais plus vaillante que moi. Vivre au couvent conserve, semble-t-il. Rassurez-vous, je n'ai pas croisé Frère Simone au coin de la rue Darchis.
Mon chiropractor, toujours aussi bourru - mais j'arriverai à le détendre un peu: juste retour de choses - m'a manipulé, trituré, fait craquer, mis la main là où ça fait vraiment mal. Le plus étonnant, c'est que ça marche!
Voilà un métier extraordinaire qui s'intéresse à notre architecture corporelle et à tout ce qui a pu la perturber. Que de choses par conséquent. Au coeur du cabinet, une énorme machine où tout est manuel. Elle m'impressionne. Est-elle là pour impressionner? J'y adhère, en tenant soigneusement les poignées, et hop ... me voilà dans une position que je ne pouvais prédire.
Deuxième rendez-vous médical de la journée: radios de ma colonne vertébrale et de ce qui va avec. Le docteur qui me reçoit ressemble un peu au Comte de Saint Germain. Longs cheveux grisonnants, coiffés dans un savant brushing. Il me reçoit 10 minutes avant l'heure, ce qui est en soi exceptionnel. Je me retrouve confronté à une machine, similaire à la première, mais plus sophistiquée. Je me suis retrouvé couché à plat, de moitié, de trois quart, de cinq huitième, à gauche, à droite, le bas en haut et le haut en bas, entouré de bruits inquiétants entre chaque prise. Le comte de Saint Germain, bon prince, m'a remis les clichés, alors même que je n'avais pas de prescription médicale ... ah oui, je dois encore appeler, à ce propos, mon cher docteur Federico Ruiz Sanchez.
Traversant la ville, une deuxième fois, j'ai rencontré de nombreux jeunes gens qui urinaient partout (les filles entre deux voitures, les garçons sur les murs de l'Université ou sur la devanture de commerces privés). Je me suis dit que ces jeunes-là manquent d'éducation. J'avais oublié: c'est la Saint Nicolas des étudiants. Ils n'ont donc pas d'autre moyen de faire la fête? Puis, une petite voix m'a dit: "tu ne vas pas devenir un vieux grognon quand même".
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