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lundi 13 décembre 2010

Un mauvais procès

Que nous dit la presse? Que pensent les citoyens? Que dit le droit?

Le procès KB et KBLux, initié il y a quinze ans, pour une fraude fiscale présumée de 400 millions d'euros ne sera sans doute jamais jugé au fond. Les avocats des banquiers ont réussi à déceler une faille: certaines preuves n'auraient pas été recueillies régulièrement par le juge d'instruction. Disons les choses comme elles sont: des banquiers, en parfaite connivence avec certains de leurs clients, ont proposé des mécanismes frauduleux, au préjudice de l'Etat, et évidemment pas de manière désintéressée. Pour avoir fait cela, ils ne seront jamais jugés, ni condamnés. Ils ne seront pas non plus blanchis: la justice a refusé de se prononcer à leur sujet. C'est déjà cela: ils resteront, par conséquent, pour toujours suspects et objets de méfiance. L'opprobre, par contre, pèse, en cette affaire, sur le juge d'instruction: il aurait notamment exercé certaines pressions sur des témoins. Les banquiers échappent à un jugement. Le juge d'instruction est, quant à lui, désavoué ; il est même possible qu'il ait à subir des sanctions disciplinaires.

Peut-on dire que justice a été rendue, dans ce cas, si l'on met en balance la faute du juge d'instruction et celle des banquiers prévenus, leur faute étant connue, mais pas assez régulièrement établie pour être finalement prise en compte? Qui a commis la plus grande faute?

Oui, diront les juristes. L'exercice du pouvoir judiciaire trouve sa légitimité dans le strict respect des règles de la procédure. Ils ont raison.

Non, dira le citoyen. Tout le monde sait que cette fraude a existé. Certains clients de ces banquiers ont même été condamnés pour cela. Le citoyen a raison aussi.

On a parlé, dans la presse, à propos de cette affaire, d'un "mauvais procès". Il s'agit en effet d'un très mauvais procès, car il laisse à peu près tout le monde insatisfait, après quinze ans de parcours judiciaire, sauf les banquiers. Le droit est en cause. L'habileté des avocats est en cause. L'application du droit peut donc conduire à une vérité judiciaire qui ne donne pas le sentiment que justice a été rendue. Deux fautes ont été mises en balance: celle du juge d'instruction et celle des banquiers présumés complices de fraude fiscale organisée. On a beau invoquer tous les grands principes du droit, il semble bien que, dans ce procès, on ait eu peu de souci de trancher "en vérité". Et il n'est pas sûr que le citoyen soit au courant  et pleinement convaincu par le concept de "vérité judiciaire".

La vérité, qui n'existe pas, sauf comme un idéal, sort-elle grandie d'un procès comme celui-là?

Mais qui a dit que le droit parlait de choses vraies? Et qui a dit qu'une décision de justice doit être perçue comme juste?


« Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. 
Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité » 
(Jean Giraudoux)

2 commentaires:

  1. Thierry Lambert sur facebook: Il me semble que dans cette affaire, les commentateurs font peu de cas de la Cour de cassation qui devrait pouvoir être saisie d'un pourvoi par le Procureur général. Ladite Cour a élaboré ces dernières années une jurisprudence fort sibylline, voire byzantine, dite "Antigone" qui peut venir au secours d'une certaine équité malmenée. Les attendus de la Cour d'appel sont "vigoureux" et je ne sais pas jusqu'où la Cour de cassation sera prête à aller. Il va de soi que cet avis n'engage que son auteur, au demeurant peu versé dans la matière pénale ... ;-)

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  2. Ahmed Laouedj sur Facebook: Beau (et très bon) papier !

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