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lundi 4 juin 2012

Cela a-t-il encore un sens de parler d'une Sainte Trinité ?

Ce dimanche était jour de solennité : on célébrait dans les églises catholiques la Sainte Trinité. C'est le principal sujet de controverse, quand on parle avec un musulman, pour qui Dieu (Allah) est un et indivisible. Ce n'est pas la seule différence entre les musulmans et nous : leur Dieu unique est abstrait, un concept, le nôtre s'est incarné, il nous est proche, le leur est plus lointain, mais envahit pourtant leur vie quotidienne sous la forme d'interdits.

La Sainte Trinité est un mystère, je veux dire par là qu'on doit sans cesse s'interroger pour en comprendre le sens. Je préfère, à vrai dire, les mystères aux certitudes bien établies. Je constate aussi que, face à l'infini de Dieu, le Coran lui donne 99 noms, là où les chrétiens se contentent, pour en parler, de trois personnes qui n'en font qu'une.

Que disent les lectures du jour pour nous aider à pénétrer ce mystère ?

Pas grand chose, en fait.

La première lecture (Dt, 4, 32 ... 40) parle de la sollicitude de Dieu pour son peuple, Israël.

La deuxième lecture (Rm 8, 14-17) parle de l'Esprit en des termes rassurants : "L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c'est un Esprit qui fait de vous des fils ".

Quant à l'évangile (Mt, 28, 16-20), il évoque le doute : " Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes ".

Etrange mélange pour célébrer la Sainte Trinité ! Mais j'aime que le doute soit admis.

Comment s'y retrouver ?

Dans une icône peut-être. Lors de mon séjour à Wavreumont, six dames participaient à un stage de peinture d'icônes. J'ai ainsi appris qu'on ne peint pas une icône, on l'écrit. Sans doute, parce que la vocation de l'icône n'est pas d'être une peinture, mais un coin de voile levé sur le mystère divin. Elles étaient fort sympathiques. L'une d'entre elles "écrivait" une Trinité. Dans l'iconographie byzantine, la Trinité fait toujours référence à un épisode de l'Ancien Testament, celui où, sous le chêne de Mambré,  Abraham rencontra trois visiteurs (Gn, 18, 1 et sv.). Andrei Roublev (né vers 1360) a peint, sur ce sujet, l'icône la plus célèbre au monde sans doute. Depuis, cette oeuvre parfaite a été de nombreuses fois copiée, mais jamais modifiée.





Quatre choses me parlent particulièrement (mais il y a sans doute bien d'autres choses à dire) :

- la perspective est inversée. La ligne de fuite n'est pas au fond du tableau, elle prend celui qui regarde le tableau comme repère. Ainsi, la table est ouverte, il y a place pour un quatrième personnage, celui qui regarde, invité à la table ;
- les trois personnages s'inscrivent dans un cercle, lequel contient l'invité. Le cercle est toujours le symbole d'une certaine plénitude ; le cercle est la figure parfaite, il ne se complète pas, tout au plus peut-il se dilater ou se rétracter ;
- les couleurs. Les trois personnages portent du bleu, c'est leur point commun. Il est le signe de la divinité. Le personnage central porte le bleu de manière éclatante, en même temps que la couleur pourpre, signe de royauté, de puissance. Le personnage de gauche participe à la divinité, mais la couleur bleu apparaît sous une autre, plus terrestre, plus humaine : une couleur de terre, d'argile (Adam a été créé avec de la terre, selon le second récit de la création - Gn, 2, 7). Le personnage de droite participe tout autant à la divinité, mais le vert compose avec le bleu. On peut y voir le Père, le Fils et l'Esprit. Ils ont tous les trois le même visage (cela nous change de certaines représentations occidentales où le Père est un vieillard barbu, le fils un apôtre et l'Esprit une flamme). Le génie de Roublev est de nous parler de Dieu, sans le représenter. Son génie aussi a été d'avoir été attentif à un détail : dans le récit de la Genèse, Abraham s'adresse aux trois visiteurs parfois au pluriel, parfois au singulier ;
- les regards : le personnage central regarde celui de gauche, qui regarde celui de droite, qui regarde peut-être, j'aime le croire, le quatrième invité. Il y a une circulation dans ces regards, un courant : tout part du Père, passe par le Fils et est transmis par l'Esprit, jusqu'à nous qui contemplons l'icône.

Une chose encore : sur la table, se trouve une coupe, mais qu'y a -t-il dedans ? Les interprétations que j'ai lues ne m'ont pas convaincu. Ainsi, j'ai lu que dans un sens on y voit une tête d'agneau, mais que si on incline le tableau, on y voit une image semblable à celle du Saint-Suaire de Turin ... Il faut alors y voir le symbole de l'ancienne alliance (le sacrifice avorté d'Isaac) et de la nouvelle alliance (le sacrifice de Jésus).

Quant au rectangle, il symboliserait le cosmos, manière de dire qu'on parle là de choses qui le dépassent.




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