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mercredi 6 juin 2012

Eve et Julienne

Voici l'histoire de deux amies, pieuses, cela va sans dire. Elle se passe à Liège, au 13ème siècle.

Au Mont-Cornillon, un peu au-dessus de l'actuel Carmel, lequel se situe au pied de la côte qui monte vers Robermont, Bois-de-Breux ... puis Fléron, se trouvait une léproserie, située en dehors de la ville comme il se doit. La prieure, à cette époque, s'appelait Julienne. Elle était née à Retinne et avait été élevée par les soeurs augustines, ordre dans lequel elle entra à l'âge de 14 ans !



Vitrail de Sainte Julienne


Le carmel de Cornillon


Son amie, et confidente spirituelle, s'appelait Eve. Une ermite cistercienne dans les murs de la collégiale Saint Martin de l'autre côté du fleuve. Une recluse. On voit encore aujourd'hui le petit espace en retrait et en surplomb par lequel Eve assistait à la messe et pouvait contempler le  Saint-Sacrement sans être vue. On appelle cela un hagioscope. Certains rois ou princes ont bénéficié du même dispositif.


Exemple d'un hagioscope

Un jour, Julienne confia à son amie une intuition : de toutes les fêtes célébrées par l'Eglise catholique aucune n'était spécialement dédiée au mystère de la communion avec Dieu à travers l'hostie, le pain que partagent les chrétiens en mémoire du dernier repas de Jésus avec ses disciples. Ce geste de partage et de communion n'est-il pas pourtant au coeur de leur foi et de leur rite ? On lui a répondu qu'il y avait déjà le Jeudi Saint, toutes les messes dominicales et même celles de semaine. Ce qui était un peu trop à ses yeux pour être signifiant.

Les deux amies vaincront toutes les résistances des milieux cléricaux de l'époque, dont on peut imaginer les réactions : que viennent faire ces deux femmes dans notre jeu à nous ? Qui plus est une est peut-être lépreuse et l'autre est recluse. Deux marginales, en d'autres termes.

Comme l'Esprit souffle où il veut et inspire qui il veut, en 1246, en la collégiale Saint Martin, pour la première fois, fut célébrée la Fête-Dieu (ainsi l'a-t-on nommée). En 1252, elle devint obligatoire dans le diocèse, avant, quelques années plus tard, en 1254, d'être étendue à l'Eglise universelle, grâce à l'action opiniâtre d'Eve.

Les liégeois aiment commémorer ce qui vient de chez eux. En l'espèce, mon plaisir est décuplé car il s'agissait de deux femmes, au 13ème siècle, un peu marginales. Ce qui montre que le rôle des femmes fut loin d'être négligeable, à cette époque ( avant et encore après aussi ....)

Quand j'avais 5 ans, j'étais un mignon petit acolyte à sonnettes pour la procession de la Fête-Dieu dans les jardins des bénédictines Boulevard d'Avroy.





Cinquante plus tard, la fête a été un peu récupérée par la frange traditionaliste des chrétiens liégeois, notamment par une procession à l'ancienne, ce n'est pas le meilleur signe.








Mais la vraie fête reste célébrée à la collégiale, devenue basilique, Saint Martin.








Comme le dit le père Devillers, o.p., il importe de ne pas réduire le dernier repas de Jésus avec ses disciples à un aimable pique-nique, une "petite croûte" mangée entre copains qui s'entendent bien. D'ailleurs, les disciples ne se sont pas choisis par affinité ;  ils sont là, ensemble, parce que tous appelés par Jésus. Le repas a pour but de les unir d'abord par rapport à lui. Alors que les gens du Temple veulent le saisir, Jésus sait lui qu'il va se donner totalement, jusqu'à la mort, et se donner pour que ses disciples le saisissent encore mieux, encore plus. Il en donnera un symbole : le pain et le vin qu'il leur partage.




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