Rechercher dans ce blog

samedi 23 juin 2012

A propos de l'angélisme en politique

A propos des anges, j'en étais resté à la division entre les bons anges (parmi lesquels les anges gardiens) et les mauvais anges (parmi lesquels les anges tentateurs). Comme je n'en ai jamais rencontré aucun, je me suis fait à l'idée que les anges n'existaient pas. Ni Gabriel, ni Michel, ni Raphaël n'ont jamais daigné se pencher sur moi et me "couvrir de leur aile". J'aurais peut-être bien aimé. Il faudra, un jour, que je demande à Marie.

Or, voilà que j'entends sans cesse parler d'angélisme dans le discours des politiques.

Généralement, il s'agit de politiciens de droite qui traitent d'angélisme des politiciens qui pensent à gauche et donc pas comme eux. La gauche ferait ainsi particulièrement preuve d'angélisme, selon eux, à propos, d'une part, de la sécurité et, d'autre part, de l'immigration, mais pas seulement. Dixit Charles Michel, mais aussi Nadine Morano (contre la partie de son propre camp qu'elle juge trop à gauche). Je demande pardon à Charles Michel pour le rapprochement avec Nadine Morano. Je ne savais pas qu'il y avait autant d'esprits angéliques dans le personnel politique.

http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/article/745789/charles-michel-milquet-doit-venir-avec-des-dossiers-clairs-sur-la-securite.html
http://www.francetv.fr/info/grands-travaux-en-perspective-a-l-ump_110985.html

On voit bien que le discours de la droite, quand elle parle d'angélisme, ne se réfère pas à la distinction que je viens d'esquisser entre les bons anges et les mauvais anges. La gauche serait angélique, selon eux, parce que naïve, croyant en des idéaux incompatibles avec la réalité, tandis que eux à droite échappent à ce qualificatif parce que plus réalistes, plus pragmatiques, plus efficaces (plus d'actes et moins de paroles).

Je trouve cela vraiment risible et il serait temps que les locuteurs de droite s'en rendent compte avant d'être encore moins crédibles qu'ils ne sont déjà, surtout à propos des paroles et des actes.

Comment ne pas traiter d'angélisme de droite le discours de la ministre belge Sabine Laruelle (MR) annonçant à tue-tête, dans la presse, que si on réduit encore plus les charges sur le travail au niveau des PME, sur les trois premiers emplois, et si 2 % (seulement !) des indépendants et des PME utilisent la mesure, 10.000 emplois seront en un rien de temps créés. Rien moins que ça ! Comment se fait-il que cette géniale mesure n'ai pas été adoptée depuis bien longtemps ? La faute à la gauche sans doute.

http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/745916/une-baisse-de-charges-pour-creer-10000-emplois-dans-les-pme.html

Si ça n'est pas de l'angélisme de droite, je me demande ce que cela est. Ils devraient le savoir pourtant, à droite, eux qui traitent si aisément les autres d'angélisme : on se trouve ici dans le domaine de la croyance dans une idéologie, une foi, en quelque sorte, assénée avec la conviction d'un intégriste (on en trouve dans toutes les religions et croyances).

On ne crée pas de l'emploi en réduisant les charges sur les salaires. Qui va croire un seul instant que les PME et les indépendants vont tout à coup se mettre à embaucher du personnel supplémentaire, juste parce qu'on leur dit qu'il va leur coûter moins cher ? Regardez le succès des plans Activa, par exemple. Combien de demandeurs d'emploi, bénéficiant de ce label, restent sur le carreau, alors qu'il fait bénéficier pourtant l'employeur de substantielles réductions de charge pendant un temps.

Jouer sur le coût du travail me semble un mythe. A l'heure de la mondialisation, on trouvera toujours ailleurs des charges salariales moins élevées, enfin pour un temps encore. Le but est-il d'aligner le salaire horaire, et les protections sociales, sur le plus petit commun dénominateur ? Contre cela, il faudra toujours lutter. C'est cela que veut la gauche, une société de progrès, pas de régression.

On crée de l'emploi, si on crée de l'activité. Pour cela, il faut faire, par exemple, l'exact contraire des intérêts notionnels qui n'auront jamais été qu'une aide de l'Etat aux entreprises (généralement autres que des PME, celles qui ont une taille suffisante pour avoir des fonds propres considérables) sans aucune contrepartie exigée de leur part.

Il faut favoriser l'investissement, et public, et privé : dans la recherche, dans l'enseignement, dans la formation des moins qualifiés, dans des secteurs d'excellence ou de haute technologie où l'on se démarque suffisamment pour être en pointe en termes de projets et de produits. Il faut aider et accompagner nos entreprises dans la recherche de nouveaux marchés et dans des projets de coopération avec d'autres. Pas leur faire des cadeaux, qu'ils soient fiscaux ou autres.

Il faut absolument dissocier l'activité des banques : d'une part, collecte de fonds et financement d'activités productives, si possible créatrices d'emploi, et, d'autre part, l'activité spéculative qui n'est rien d'autre qu'une loterie, où l'on peut gagner ou perdre beaucoup, mais qu'il faut réserver à ceux qui aiment ça.

Au lieu de toujours vouloir réduire les charges sur les salaires, avec comme menace une déstabilisation de notre modèle social, pourquoi n'encourage-t-on pas plutôt les investissements nouveaux, comme par le passé, par des aides à l'investissement ? Il faudra forcer l'Europe libérale à revoir sa politique en matière d'aides d'Etat. Pourquoi ne facilite-t-on pas davantage l'accès des jeunes entreprises au crédit ? Par peur que les banques ne suivent pas ? Ou parce qu'elles se sont montrées incapables d'être à la hauteur, en tout, depuis quelques années ? J'estime, pour ma part, que toute aide apportée par les Etats aux banques privées (ou semi-publiques) doit se solder par un engagement de celles-ci à concourir à la relance des économies locales, plutôt qu'à la spéculation égoïste. Les banques sont aujourd'hui de plus en plus regardantes pour financer un projet d'entreprise. Elles exigent des garanties impossibles à obtenir. On est en droit d'agir de même à leur égard. Si on veut créer de l'emploi, ce n'est pas par une réduction des charges salariales qu'il faut agir, mais par des mesures contraignantes pesant sur les banques. C'est en cela que les Etats peuvent se montrer responsables et non complices.

Et pourtant, tout ceci reste encore, d'une certaine manière, angélique. Cela reste une politique qui n'a pas les pieds sur terre.

On colmate, avec des rustines éculées, la chute du néo-libéralisme, mais on ne voit pas les enjeux de demain. Demain, la crise ne sera pas qu'économique, elle sera écologique. Or que constate-t-on ? Un refus clair et net des Etats-Unis d'Amérique et du Canada à avancer sur la voie d'une gouvernance mondiale concernant l'avenir de la planète et le développement durable. Toujours les mêmes clichés, les mêmes croyances, le même angélisme ultra-libéral : nous croyons ( = nous avons la foi) que la technologie résoudra les problèmes de la planète. On veut bien de la mondialisation, mais pas pour n'importe quoi.

Le sommet de Rio, qui vient de s'achever, est le triste exemple de cette situation. A l'exception des Etats, qui ont l'impression de ne pas avoir fait marche arrière, encore bien, les observateurs manifestent tous une profonde déception.

Les solutions alternatives existent, beaucoup y réfléchissent et font des propositions, simplement certains n'en veulent pas. Toujours pour la même raison : le profit et l'argent à court terme.

Dans quelques années, on devra régler la faillite de la planète comme aujourd'hui la faillite des banques. Je crains que les dégâts soient cependant bien moins supportables encore.

Une citation, pour finir : " quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boîteux, des aveugles et heureux seras-tu de ce qu'ils n'ont pas de quoi te rendre, car cela te sera rendu lors de la résurrection des justes " (Lc, 14, 13-14) (ce qui pourrait bien vouloir dire "par leur sourire", comme me l'a suggéré ma psy).




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.