Ce matin, j'étais attablé, comme tous les matins, à la terrasse du café Randaxhe, pour boire mon café, manger mon croissant et lire le journal. S'assied à la table à coté de la mienne un africain.
Il me dit bonjour, puis commande une bière.
- "La journée est belle, n'est-ce pas ?", me dit-il.
- "Oui, en effet".
- "Regardez les pigeons (des pigeons picoraient les mies de mon croissant) ; ils ne baissent la tête que pour manger, tout de suite après, ils ont la tête haute".
Je l'avoue, je ne m'étais jamais fait cette réflexion.
- "Et puis, me dit-il, ils n'ont que leur bec pour construire leur nid. Nous, nous avons deux bras, deux jambes et il nous faut en plus des machines. Pourquoi ?".
Je me suis dit : cet africain philosophe n'est pas banal.
- Je lui réponds : "Oui, et les oiseaux n'ont pas besoin de machines pour voler. D'ailleurs, l'oiseau le plus génial de tous est le canard, lui dis-je. Il nage, il marche et il vole par ses propres moyens, alors que nous. "
Mon africain s'esclaffe, comme peut s'esclaffer un africain, à propos de mon canard.
Et il poursuit :
- " Pourquoi l'homme qui est au sommet de la création n'est-il pas (ou plus) capable de vivre simplement, prenant la nourriture là où elle est, se contentant de transmettre la vie, de fonder une famille, de la nourrir et de l'éduquer ? "
- "Parce que l'homme est un homme et pas (ou plus) un animal. Ce qui ne le met pas nécessairement au sommet de la création", me hasardai-je à dire. "Tout n'est pas mauvais pourtant dans l'homme. Les pigeons, quand ils sont malades n'ont pas de médecin, par exemple. L'animalité, c'est aussi la loi de la jungle. Le plus faible sacrifié pour le plus fort. Cela dit, il faut bien constater que tous les êtres humains ne sont pas aussi humains qu'on le croit et que la nature n'est pas toujours aussi conciliante qu'on aimerait".
Changement de sujet.
- "Vous avez-vu ? Le soleil nous éclaire. Ce n'est pas un hasard. Il illumine notre rencontre ", me dit mon gaillard.
- "Bientôt, il va disparaître derrière le pignon de cette maison. Le soleil bouge".
Changement de sujet.
- "Vous buvez déjà une bière à 8 heures du matin", lui dis-je.
- "Oui, parce que c'est la fin de la semaine et qu'on doit fêter cela. On travaillera de nouveau lundi. Je suis rentré de Paris hier soir, j'y ai été voir mes enfants. Mes enfants vivent en France. Je me suis mis au lit à 3 heures du matin, mais le soleil m'a réveillé vers 6h30. Je me suis levé. Il ne faut jamais rater le rendez-vous avec le soleil".
Changement de sujet.
"Mes parents m'ont donné la vie. Moi, on ne m'a pas demandé mon avis. Ma mère m'a nourri de son lait. Ils m'ont appris à marcher. Ils m'ont envoyé à l'école. On doit avoir du respect pour ses parents et agir avec nos enfants comme nos parents ont agi avec nous. Moi, j'ai deux enfants et leur mère est une belle femme. Je suis fier d'eux parce que ce sont mes enfants", me dit-il encore.
Mon interlocuteur m'a dit avoir fait des études d'ingénieur civil en France. Il travaille, en Belgique, comme électricien. Il a trois nationalités : togolaise (là où il est né), française (par naturalisation), belge (par mariage). Ira-t-il voter demain ? Pour quel oiseau ou quel soleil ?
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Un grand coeur. L'humanité qui fait les grands coeurs se trouve souvent au bout des chemins de traverse, des parcours difficiles et tortueux.
Ce vendredi, Sam a subi une opération à l'oeil droit. Famille et amis proches l'entourent.
Une des premières à m'avoir téléphoné a été Muriel, ma femme de ménage, pour prendre des nouvelles de Sam. Je vous ai déjà parlé de Muriel. Muriel, l'orpheline, qui a élévé 9 enfants, a été chanteuse dans un dancing et roule en Harley Davidson.
Asphalt Jungle, un podcast littéraire à découvrir !
Il y a 11 mois
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