Alors que le débat fait rage, en France, à propos du "mariage pour tous", je retrouve, dans mes archives, un texte du chanoine Pierre de Locht, paru dans le Soir, en 1997.
Pierre de Locht (1916-2007), docteur en théologie, a été, dans les années 1980, la bête noire de l'Eglise catholique belge en raison de ses positions non traditionnelles sur la dépénalisation de l'avortement, le mariage des prêtres, l'ordination des femmes. Il a abondamment écrit sur la morale, particulièrement l'éthique de la sexualité.
Voici ce qu'il écrivait, en 1997, à propos de l'homosexualité :
"Que l'homosexualité ait suscité d'abord en moi un réflexe d'étonnement, de prise de distance, sinon de réaction hostile, je ne puis le nier. Mais, dès que j'ai été en contact direct avec la réalité vécue par certains, parfois très proches, mes idées toutes faites et grands principes abstraits ont fait place à une réflexion et à une recherche quant au respect et au sens de cette situation, dans le cadre des défis que nous posent les relations interpersonnelles. On mesure mal le désarroi, la difficulté de vivre, voire le désespoir des jeunes prenant conscience de leur homosexualité dans un monde qui ne leur fait pas place, qui leur est souvent hostile.
La sexualité concerne la personne toute entière, dans sa morphologie, son affectivité, son mode penser, son être. Plus essentiellement encore que sa fonction procréatrice, elle constitue pour chacun, quel que soit son état de vie, un facteur décisif de réalisation de soi au coeur des relations aux autres.
La différenciation sexuée, si prégnante soit-elle, ne peut absorber l'attention, car c"'est au niveau de l'identité toujours unique de chaque personne que se situe en définitive la rencontre dans la différence.
La spécificité sexuelle n'est qu'une étape d'accès à la différence foncière qu'est la personnalité de l'autre.
En dernière analyse, il ne s'agit pas de la rencontre de la masculinité et de la féminité, mais de telle personne avec telle autre. Ceci nous interdit dès lors de prétendre que l'homosexualité refuse la différence. Elle la rencontre, peut-être plus difficilement, dans ce vis-à-vis de personne à personne.
Si la fidélité des couples homosexuels semble aussi plus difficile, ne serait-ce pas dû pour une large part au contexte social qui leur refuse les multiples éléments de reconnaissance sociale et de stabilité ?
L'absence de fécondité dans les enfants constitue aussi pour eux une difficulté supplémentaire.
Ne nous cachons pas cependant combien nombreux sont les couples, qui bien qu'ayant des enfants, se séparent.
Et pourquoi n'est-on pas prêt à reconnaître la réalité et les formes de créativité des couples homosexuels.
Des études particulièrement sérieuses indiquent qu'au moins 5 % des humains sont des homosexuels profonds : 5 % cela veut dire en clair au moins 500.000 de nos concitoyens.
L'homosexualité, entend-on dire, n'est pas naturelle.
Que peut signifier une telle affirmation, si ce n'est que nous nous targuons d'occuper la situation que vit la majorité, autour de laquelle la vie sociale s'est organisée, pour dénier aux autres le droit d'exister et d'(être reconnus. Avons-nous vraiment besoin de rejeter la minorité pour être à l'aise, dans notre identité hétérosexuelle ?
Puis-je ajouter, en tant que chrétien, que rien dans l'évangile ne justifie un tel rejet, qui est en opposition avec l'attitude de Jésus qui accueille tout être, quel qu'il soit. "
Comme quoi les hommes d'Eglise ne disent pas que des bêtises ...
Et surtout cette phrase : " Avons-nous vraiment besoin de rejeter la minorité pour être à l'aise dans notre identité (en l'occurrence hétérosexuelle) ". Cette phrase résonne bien au-delà de l'homosexualité.
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