Jésus sortait de jéricho, la dernière oasis sur
le chemin vers Jérusalem, étape dans la longue marche qu'il a entreprise depuis
le nord de la Galilée pour rejoindre son destin. La foule était massée sur le
bord du chemin pour voir et acclamer celui dont tout le monde parlait, celui
qui fascinait par ses paroles et ses guérisons. Ce rôle de vedette populaire,
on le sait, ne plaisait pas à Jésus, il le subissait. Lui, voulait toucher au plus profond le coeur de chacun loin
de tout événement médiatique.
Noyé dans cette foule, un aveugle, un mendiant,
un marginal, vivant de la charité des autres, Bartimée ( = fils de Timeios),
nous dit l'évangéliste Marc. Il se demande pourquoi toute cette agitation,
toutes ces clameurs. On lui dit que c'est Jésus qui passe. Il se met alors à crier " Jésus, fils de David, aie pitié de moi !
" Il n'est pas à l'unisson des vivats, il clame sa détresse et son
malheur, il les crie même, tandis que les autres cherchent à le faire taire.
Cette imploration " Jésus, fils de David,
aie pitié de moi (pécheur)", est à la base de ce que l'on appelle la
prière du coeur dans la tradition orthodoxe. Une
invocation murmurée sans cesse. Un texte anonyme Les récits d'un pélerin russe a fait découvrir à l'occident ce joyau de la tradition orthodoxe (présentation par Jean Laloy en 1974).
On peut s'étonner que Bartimée appelle Jésus :
"fils de David". Que
savait-il de la généalogie de Jésus ? Pour tous les autres, Jésus était celui
qu'on appelait Jésus de Nazareth. Bartimée n'est de toute évidence pas sur la
même longueur d'onde que la foule. Autre chose doit le relier à Jésus.
Dans les clameurs de la foule, Jésus va
entendre la voix de l'aveugle, la seule qui le touche vraiment peut-être.
"Appelez-le", dit Jésus.
Bartimée se lève, abandonne son manteau et encouragé par la foule se présente à Jésus. Suit un bref dialogue. Jésus lui
dit : " Que veux-tu que je fasse
pour toi ? ". Il répond : " Rabbouni,
que je voie. " Et Jésus lui dit : " Va, ta foi t'a sauvé ". Aussitôt, il se mit à voir et il
suivait Jésus sur la route.
Il y a beaucoup à dire à propos de cette
rencontre. Juste deux choses.
Je suggérerai tout d'abord une comparaison avec une autre rencontre de
Jésus, celle avec le jeune homme riche. Voilà deux hommes, qui, avec
détermination, et même une certaine urgence, présentent à Jésus une requête peu
banale : "Que dois-je faire pour
avoir la vie éternelle ? " (pour le jeune homme riche) ; " Rabbouni, que je voie " (pour Bartimée).
Une chose est commune à ces deux hommes,
l'enjeu sera de suivre Jésus et d'affronter avec lui, comme lui, la plongée
dans la mort pour renaître.
Bartimée abandonne son manteau, qui lui servait
de protection, une des rares choses qu'il possédait, pour rejoindre Jésus et le
suivre. Il voit. Le jeune homme riche s'avère incapable d'abandonner quoi que
ce soit, il préfère la sécurité
que lui donne l'argent. Il s'en va tout triste.
Quelle leçon ! Commencer par abandonner ce qui nous protège et nous
sécurise : notre confort matériel, nos idées ou notre foi toutes faites, nos
cocons affectifs. Voilà ce que Jésus attend. Cela implique d'une manière ou d'une
autre une mise en danger. La vie spirituelle ne porte des fruits qu'en passant
par là.
Je voudrais dire une deuxième chose : le récit
de la guérison de Bartimée ne vient pas sans raison dans l'évangile de Marc.
Depuis quelques semaines, les lectures du dimanche nous ont confrontés, semaine
après semaine, à l'incompréhension des disciples et de la foule à propos du
discours de Jésus concernant l'argent, la famille, les enfants, la première place
et la suprématie, sans parler du
risque encouru à Jérusalem annoncé à plusieurs reprises. Ils ne
"voyaient" pas ce que Jésus voulait dire. Le cycle se clôt avec Bartimée.
Lui voit.
Références :
- Bartimée : Mc, 10, 46-52
- Le jeune homme riche : Mc, 10, 17-30
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