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lundi 29 octobre 2012

L'aveugle



Jésus sortait de jéricho, la dernière oasis sur le chemin vers Jérusalem, étape dans la longue marche qu'il a entreprise depuis le nord de la Galilée pour rejoindre son destin. La foule était massée sur le bord du chemin pour voir et acclamer celui dont tout le monde parlait, celui qui fascinait par ses paroles et ses guérisons. Ce rôle de vedette populaire, on le sait, ne plaisait pas à Jésus, il le subissait.  Lui, voulait toucher au plus profond le coeur de chacun loin de tout événement médiatique.

Noyé dans cette foule, un aveugle, un mendiant, un marginal, vivant de la charité des autres, Bartimée  ( = fils de Timeios), nous dit l'évangéliste Marc. Il se demande pourquoi toute cette agitation, toutes ces clameurs. On lui dit que c'est Jésus qui passe.  Il se met alors à crier " Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! " Il n'est pas à l'unisson des vivats, il clame sa détresse et son malheur, il les crie même, tandis que les autres cherchent à le faire taire.

Cette imploration " Jésus, fils de David, aie pitié de moi (pécheur)", est à la base de ce que l'on appelle la prière du coeur dans la tradition orthodoxe. Une invocation murmurée sans cesse. Un texte anonyme Les récits d'un pélerin russe a fait découvrir à l'occident ce joyau de la tradition orthodoxe (présentation par Jean Laloy en 1974).



On peut s'étonner que Bartimée appelle Jésus : "fils de David". Que savait-il de la généalogie de Jésus ? Pour tous les autres, Jésus était celui qu'on appelait Jésus de Nazareth. Bartimée n'est de toute évidence pas sur la même longueur d'onde que la foule. Autre chose doit le relier à Jésus.

Dans les clameurs de la foule, Jésus va entendre la voix de l'aveugle, la seule qui le touche vraiment peut-être. "Appelez-le", dit Jésus. Bartimée se lève, abandonne son manteau et encouragé par la foule se présente à  Jésus. Suit un bref dialogue. Jésus lui dit : " Que veux-tu que je fasse pour toi ? ". Il répond : " Rabbouni, que je voie. " Et Jésus lui dit : " Va, ta foi t'a sauvé ". Aussitôt, il se mit à voir et il suivait Jésus sur la route.

Il y a beaucoup à dire à propos de cette rencontre. Juste deux choses.

Je suggérerai tout d'abord une  comparaison avec une autre rencontre de Jésus, celle avec le jeune homme riche. Voilà deux hommes, qui, avec détermination, et même une certaine urgence, présentent à Jésus une requête peu banale : "Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? " (pour le jeune homme riche) ; " Rabbouni, que je voie "  (pour Bartimée).

Une chose est commune à ces deux hommes, l'enjeu sera de suivre Jésus et d'affronter avec lui, comme lui, la plongée dans la mort pour renaître.

Bartimée abandonne son manteau, qui lui servait de protection, une des rares choses qu'il possédait, pour rejoindre Jésus et le suivre. Il voit. Le jeune homme riche s'avère incapable d'abandonner quoi que ce soit,  il préfère la sécurité que lui donne l'argent. Il s'en va tout triste.

Quelle leçon !  Commencer par abandonner ce qui nous protège et nous sécurise : notre confort matériel, nos idées ou notre foi toutes faites, nos cocons affectifs. Voilà ce que Jésus attend. Cela implique d'une manière ou d'une autre une mise en danger. La vie spirituelle ne porte des fruits qu'en passant par là.

Je voudrais dire une deuxième chose : le récit de la guérison de Bartimée ne vient pas sans raison dans l'évangile de Marc. Depuis quelques semaines, les lectures du dimanche nous ont confrontés, semaine après semaine, à l'incompréhension des disciples et de la foule à propos du discours de Jésus concernant l'argent, la famille, les enfants, la première place et  la suprématie, sans parler du risque encouru à Jérusalem annoncé à plusieurs reprises. Ils ne "voyaient" pas ce que Jésus voulait dire. Le cycle se clôt avec Bartimée. Lui voit.

Références :
- Bartimée : Mc, 10, 46-52
- Le jeune homme riche : Mc, 10, 17-30

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