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lundi 31 janvier 2011

Oser une autre voix: celle des vieux et celle des jeunes

Prenons le débat politique belge, pour exemple, en ce temps d'interminable crise.
Prenons-le pour oser quelques réflexions.
Prenons-le sans ignorer ce qui se passe ailleurs, en ces temps troublés où bien des certitudes, des institutions et des régimes vacillent.


A l'exception de ce qui relève encore du Roi Albert II, que l'on peut créditer d'une certaine sagesse, tout est aujourd'hui, en Belgique, entre les mains d'une même génération d'hommes politiques de 40 à 60 ans qui ont fait de la politique leur métier (et pour certains une source de prébendes). J'imagine que, pour beaucoup, une reconversion relèverait de l'improbable, voire de l'impossible. Non qu'ils ne disposent pas de compétences pour briller ailleurs, mais parce qu'ils n'existent que dans l'action et par le débat politique.


Il n'est pas sain que l'avenir des citoyens de tout un pays soit ainsi aux mains de quelques-uns, toujours les mêmes, qui finissent par se connaître trop bien. A vrai dire, c'est le meilleur moyen pour n'aboutir à rien ou à pas grand chose.


Il n'y a pas, à mon avis, d'autre moyen d'avancer dans l'actuelle crise politique belge que de donner la parole et le pouvoir d'imaginer à d'autres que ceux qui, depuis trop longtemps, fréquentent les négociations. 


La Règle de Saint Benoît, quand elle parle de l'Abbé, est peut-être le modèle le plus juste qui ait jamais été écrit concernant toute personne élue à la tête d'une communauté, et qui se trouve, par cette élection, investie du souci de tous, comme un père pour ses enfants.


On peut y lire ceci:


"Chaque fois que des affaires importantes devront se traiter au monastère, l'abbé convoquera toute la communauté et dira lui-même de quoi il s'agit. Après avoir entendu l'avis des frères, il réfléchira et fera ce qu'il juge le plus utile (R.S.B., 3, 1-2)". L'abbé, en l'espèce, ressemble fort à notre Roi. Certains esprits républicains diront qu'il n'a pas été élu. Ce n'est pas tout à fait exact. La monarchie, qui est dans notre Constitution, a été choisie, en son temps, démocratiquement.


On peut lire aussi ceci: "Tous doivent être appelés au conseil, car souvent le Seigneur révèle à un jeune ce qui est préférable" (R.S.B., 3, 3).


Il est aussi naturel que l'abbé s'entoure d'un collège d'anciens, expérimentés et sages pour le conseiller.


Je suis convaincu, pour ma part, de la nécessité de ne plus laisser le débat, et les négociations, toujours entre les mains du même quarteron de politiciens.


Les jeunes pourraient bien nous révéler ce qui est préférable. Il  faut donc trouver une manière de les associer au débat, sans récupération aucune. On pourrait, par exemple, imaginer une assemblée constituante des jeunes, chargée de faire des propositions pour l'avenir.


Mais les anciens ont aussi bien des choses à dire. Leur capacité d'indignation et de résistance s'exprime de plus en plus, et souvent avec justesse. Et même avec jeunesse. Il suffit de voir, en France, Stéphane Hessel et Claude  Alphandéry.


Je rêve, par conséquent, d'une assemblée composée de jeunes et de vieux, réunis à cause de leur capacité à défendre un idéal, et qui réfléchirait sur une réforme de notre Etat.





Solitudes

Parfois, j'ai envie de partager simplement des choses que je viens de lire.

Richard Cannavo écrit, avec beaucoup de talent, l'éditorial du Télé Ciné Obs. Dans le n° 2412 du 27 janvier, il évoque Les coeurs cassés, à propos d'une soirée sur Canal + "Générations solos".

Le célibat est  une réalité de plus en plus répandue. Choisi, contraint, assumé ou douloureux, le célibat est un fait, comme la solitude.

Je laisse au sociologue le soin de traiter de ces nombreux cas de célibats choisis et leurs motifs: l'incapacité à s'engager, le besoin d'indépendance, la réalisation personnelle dans l'exercice d'une activité professionnelle, la liberté d'agir et d'aimer.

Je retiens ces brefs passages:

"Ces gens-là traînent le poids d'un passé trop lourd et se demandent s'ils seront jamais consolés. Ils ne regardent pas autour d'eux, paraissant ne rien voir de cette agitation qui nous enivre. Avec leur nostalgie insondable et distraite, ils semblent plutôt perdus dans l'infini, ou bien à l'intérieur d'eux-mêmes ... La radio, la télévision, les livres ne suffisent pas à combler le vide en eux ...Les bruits de la ville, les frémissements de la vie peuvent bien remonter jusqu'à eux, ils n'entendent que les pulsions de leur coeur épuisé. Il y a quelque chose d'inéluctable dans leur destin de reclus ..."

"Ils ont compris depuis longtemps que les gens vivent à la surface d'eux-mêmes, d'apparence légère mais en réalité épouvantés à la seul idée d'aller fouiller au tréfonds de leur être. Eux n'en finissent pas de plonger dans leur mémoire pour chercher, chercher encore la clé de leur cadenas intérieur ... comprendre ce qui les a empêchés de se projeter vers les autres".

"La société s'accommode plutôt bien de la solitude, individuelle par définition. Les solitaires ne sont pas dangereux ... dans ce monde étourdi par le besoin de parole ... ils se taisent. Ils se contentent de se regarder vivre, et souffrir, éprouvant jusqu'au vertige ce déchirement intérieur, cet assèchement que provoque l'absence de tout lien affectif".

Dernières volontés

Mon père a eu une petite défaillance, vendredi. Ses jambes le lachent parfois. Il a ainsi glissé lentement le long de la paroi de l'ascenseur, tout en douceur. Cela a duré trois ou quatre minutes.

Ma mère, qui aime prendre les choses en mains et tout prévoir m'a convoqué dimanche pour en parler.

Il s'agissait de parler de leurs dernières volontés.

Elle m'a confié qu'elle avait un cahier où elle a consigné tous les avis mortuaires de ses amies et connaissances et quelques livrets de funérailles. Elle voulait me mettre au courant.

La semaine dernière, l'avant-dernière encore en vie de sa promotion à l'Ecole normale, avec elle, est décédée. Elle l'a appris a posteriori par un avis sobre dans le journal La Meuse. Les funérailles avaient eu lieu sans visite et dans la plus stricte intimité. Ma mère trouvait cela bien.

Le principal argument de ma mère était le suivant: il faudra bien un funerarium, mais toutes ces visites! Je n'ai pas envie d'être de faction debout pendant des heures à serrer les mains des visiteurs!

Mais, maman, tu n'auras pas à serrer de mains, puisque tu seras morte!

Oui, mais quand même. Il faudra faire des cartes avec une photo, il y a des exemples dans mon cahier, pour remercier. Et, puis il faut trouver une chapelle, parce que je ne me vois pas dans l'église Saint Jacques, c'est trop grand.

Intervient alors mon père: "j'ai l'impression que tu parles plutôt de tes désirs concernant mes funérailles à moi, plutôt que de tes désirs à propos des tiennes". Mais qui te dit que je mourrai avant toi?". Ma mère: "toi, de toute façon, tu voudras que ça se passe comme toujours, selon les traditions". Réponse de mon père: "comme je serai mort, je n'aurai plus rien à décider; ils (Sam, Ben et moi) décideront".

Comme la mort se rapproche de moi, je vais songer aussi à rédiger mes dernières volontés. J'aimerais que mes funérailles soient sobres, mais habitées.

jeudi 27 janvier 2011

Mon ami J.P.P. et sa chapka

J'ai deux amis qui s'appellent Jean-Pierre: J.P.P. et J.P.R.

Ce matin, j'ai failli ne pas reconnaître J.P.P., à la terrasse du Randaxhe, où il vient parfois. Quand un homme décide de porter une "chapka", il n'est plus tout à fait lui-même. C'est la raison pour laquelle je n'en porterai sans doute jamais. Cela tombe bien, je ne suis pas frileux. Et le côté un peu ridicule du couvre-chef est bien relatif: à Moscou, c'est moi qui serais sans doute ridicule à me promener tête nue sous les frimas.




J.P.P. a mon âge. Nous avons usé nos fonds de culottes sur les mêmes bancs de la même classe du même collège de jésuites.

Aujourd'hui, après des vies l'un et l'autre en lignes courbes ou brisées, c'est le moins qu'on puisse dire, nous parlons de nos enfants, de nos amours, de nos relations aux autres, de ce qui nous fait tenir.

Cela nous rassure l'un et l'autre. Avec ses enfants, ce n'est guère plus facile qu'avec les miens. Lui qui était un grand randonneur devient un peu pantouflard. Nous lisons beaucoup. Nous sommes aussi deux enseignants dans l'âme. Lui de philosophie et de psychologie, moi de droit et de n'importe quoi.

Il réussit mieux en amour que moi. Je veux dire par là qu'il n'est jamais resté très longtemps seul. Mais peut-être ne suis-je pas assez entreprenant? J'ai conservé surtout plus que lui un désir de vie religieuse. Il a fait le noviciat chez les jésuites; moi, je n'ai même pas été simplement postulant dans un monastère.

Ce qui nous frappe, et finalement nous fait rire, ce sont nos réactions identiques face à certaines situations:
- les dîners, plus ou moins mondains, familiaux parfois, où après une heure nous nous ennuyons profondément et sommes ailleurs ... lui, comme moi, nous nous esquivons alors généralement avant tout le monde;
- notre rejet épidermique de certains milieux. Nous avons cherché ce qui les caractérisait. Il m'a parlé alors de son "nouveau beau-frère". Il  a une fonction dans le monde culturel. Il s'y trouve, non pour ses qualités, mais parce qu'il est étiqueté socialiste. Il est détesté par tous, mais présent partout. Il ne parle que de lui. Au dernier repas de Noël, où mon ami J.P.P. s'est résigné à aller, la petite-fille du beau-frère, enfant unique, a reçu 22 cadeaux en même temps. Parmi ceux-ci, un ordinateur portable multi-fonctions ... cadeau de l'A.S.B.L. culturelle dont le grand-père est le dirigeant! J.P.P. enrageait.

Nous en avons conscience, nous devenons deux vieux idéalistes, non pas amers, non pas déçus, mais de plus en plus décalés.

mercredi 26 janvier 2011

Poésies

Je découvre, ce soir, un disque comme j'aime: D'amor ragionando, de la musique et des textes de la fin du 14ème et du début du 15ème siècles, en Italie, interprétés par l'ensemble Mana Punica, ensemble que j'ai  entendu à Liège, il y a quelques années.



http://www.culturopoing.com/Musique/Mala+Punica+D’Amor+Ragionando+–+Ballades+du+neo+Stilnovo+en+Italie+1380+1415+Arcana+-2902

J'aime particulièrement le texte suivant;

A tout vent, tourne comme la feuille
Danse ainsi au son de la danse
Et ne veuille pas d'autrui plus qu'autrui ne veuille.
L'arbre produit le fruit que l'on cueille, 
C'est-à-dire celui veut tout et perd tout.
Las, n'aie cure si autrui prend le fruit
Pour contenter tout homme, il reste toujours vert.
Quand l'arbre devient sec et perd ses feuilles
Pense aux cheveux blancs de l'autre
Et ne te soucie point si personne ne t'aime.
A tout vent, tourne comme la feuille,
Danse ainsi au son de la danse, 
Et ne veuille pas d'autrui plus qu'autrui ne veuille.


(Ad ogne vento, Antonio Zacara da Teramo)

Un ami portugais poste régulièrement sur Facebook des poèmes en portugais, que j'essaie de traduire le plus fidèlement possible en français.

J'aime beaucoup celui-ci.


Si tu le peux,
Sans t’inquiéter et sans hâte,
A la mesure de ce que tu peux donner,
Sur le chemin de la vie 
qui parfois évolue difficilement vers l’avenir,
Laisse-lui la liberté,
Même si ce n’est pas toute la liberté.
Même si une part de vous restera à jamais liée.
Tu voulais trouver ta moitié, ta demi-orange.
Dans le verger, tu ne récolteras que des illusions successives,
Car ce que tu cherchais n’existe pas complètement.
Mais n’arrête pas de rêver, de poursuivre
l’aventure de l’impossible quête.
Tu es un homme, ne l’oublie pas!
Cela est ta folie.
Avec lucidité, reconnais-le …

mardi 25 janvier 2011

S., son papa et les fantômes

S., et son papa, font partie des habitués de la terrasse matinale du café Randaxhe, ces quelques résistants qui préfèrent être dehors plutôt qu'à l'intérieur enfumé, quel que soit le temps.

S. est un garçon, un adolescent aujourd'hui, différent. Certains jours, on lui dit "bonjour" et il ne répond pas, comme s'il n'était pas là ou alors parce que, pour lui, nous ne sommes pas là. D'autres jours, il parle, il parle même beaucoup. Il parle de son monde, de ses questions, de son univers à lui, de ce qu'il a vu à la télé et retenu.

Son univers: la nature, les plantes, son citronnier qu'il a planté, les catastrophes climatiques, les glaciers qui fondent, l'eau du lac dans la carrière, son jardin secret aux étangs de la Julienne près de Visé, sa cabane, les mousses, les plantes qui poussent sur les ponts de Paris, où il est allé. Chez lui, son père, avec qui il vit, lui a aménagé une serre où, m'a-t-il dit, il a l'air heureux; il y chantonne et y chipote.

Son père est inquiet pour son avenir. Il essaye de rendre son fils le plus autonome possible, mais il se heurte à de multiples peurs. Le résultat des activités faites en groupe par S. donne toujours lieu à un écho déconcertant. Ce qu'il a retenu, ce qu'il accepte de raconter, est toujours inattendu. Il va commencer un stage chez un fleuriste. Son père se tracasse.

Depuis quelques jours, S. parle des fantômes. Son père lui a dit que les fantômes n'existent pas. Mais cette réponse conviendra-t-elle à S.?

Le père me pose alors cette question: "Dois-je entrer dans son jeu ou lui dire que les fantômes n'existent pas?"

Que répondre? J'ai répondu maladroitement ceci: "Dites-lui toujours la vérité. Peut-être ne l'atteindra-t-elle pas dans l'immédiat. Mais il est possible qu'elle se logera, quelque part, au fond de sa mémoire et resurgira un jour".

Je lui ai dit aussi que le monde de son fils est un beau monde.

Mais je comprends l'inquiétude du père.

lundi 24 janvier 2011

L'homme politique est-il un cas pathologique?

Ils étaient donc, hier, plusieurs dizaines de milliers de citoyens à défiler dans les rues de Bruxelles pour dire "Shame" aux élus, et surtout aux présidents de partis qui, depuis 225 jours, ont sans doute discuté, travaillé et pinaillé, leurs collaborateurs et experts aussi, mais n'ont toujours pas commencé à négocier la moindre constitution d'un gouvernement, pour la simple raison qu'ils ont décidé, du moins certains d'entre eux, de tout subordonner à un préalable: une réforme copernicienne de l'Etat.

Ceci m'inspire plusieurs réflexions.

1. Puisqu'il s'agit de définir un nouvel Etat, qui ne ressemblera plus au précédent, et non pas seulement de former un gouvernement, ne serait-il pas sage de se donner du temps, sans tout paralyser comme maintenant? Ne serait-il pas sage de réunir sur le sujet toutes les forces vives, politiques et non politiques, des deux côtés de la frontière linguistique, et de soumettre le projet une fois abouti à un referendum? Or, que voit-on? Ce débat préalable est mené entre sept partis seulement qui, s'ils parviennent un jour à s'entendre sur les réformes institutionnelles, ne semblent guère appelés à s'entendre davantage sur les enjeux socio-économiques. Combien de jours faudra-t-il encore alors? Quant à un referendum, il est craint par ces politiques pour deux raisons, aussi aléatoires l'une que l'autre: la peur d'être désavoué; la peur d'une crispation plus grande encore.

2. Le défi que doit relever aujourd'hui le peuple tunisien pour créer un nouvel Etat, totalement affranchi du précédent, m'interpelle. On en appelle, en Tunisie, pour définir ce nouvel Etat, à la fois à l'union nationale et à la rupture. Le peuple tunisien veut repartir d'une page blanche, ce qui implique la mise à l'écart dans le gouvernement de transition de ceux qui incarnent l'ancien régime. Mais on y parle aussi d'union nationale. Cette vision juste, que donne-t-elle en Belgique?

3. On parle, à propos du conflit israélo-palestinien, de "négociations dans l'impasse". On ne cesse même d'en parler depuis des années. A chaque fois qu'il y a une dose d'espoir d'arriver à un accord partiel, un "sniper" ruine cet espoir. La comparaison est peut-être hasardeuse, mais cela ressemble étrangement à ce que nous vivons actuellement en Belgique. Pour mon pays, j'aimerais que cela dure moins longtemps (figurer au Guiness Book, comme recordman de la mésentente, ne me plaît guère). La chaine de télévision Al-Djazira a mis au jour des documents, diffusés aujourd'hui par Wikileaks, relatifs aux négociations israélo-palestiniennes. J'invite mes lecteurs, et nos négociateurs, à les lire attentivement mutatis mutandis.


http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/01/24/revelations-de-documents-sur-le-proche-orient-israel-avait-un-partenaire-pour-la-paix_1469612_3218.html#ens_id=1228030


4. Ils n'en ratent pas une. Les commentaires des politiques à propos de la manifestation d'hier valent de l'or. La palme revient au CDH et à Ecolo, qui se réjouissent de ce mouvement citoyen qui leur dit pourtant: "Honte à vous". Seraient-ils  "maso" ou trop prompts à vouloir exister médiatiquement? Le CD&V fait fort aussi: ce mouvement populaire est un appel à une scission de BHV et à une profonde  réforme de l'Etat. Je me demande où ils ont été chercher cela et je ne suis pas sûr du tout que cela corresponde au sentiment de ceux qui ont défilé, flamands, francophones et germanophones. Bien entendu, l'encore président du MR, Didier Reynders, n'a pas été avare de commentaires. Les partis participant aux négociations et qui se réjouissent de ce sursaut populaire "représentent le degré zéro de la politique". Reconnaissons-lui une suggestion opportune: diffuser largement le contenu de la note Van de Lanotte dans les trois langues du pays. Jean-Michel Javaux, co-président d'Ecolo, répond que, dès avant la manifestation, le président du MR s'est répandu pour interpréter la manifestation comme une "claque" pour ceux qui négocient. Mon Dieu, comme ils s'aiment tous ces mini-schtroumphs! On finira par se demander si, à force de se fréquenter, tous ces "degrés zéro de la politique" ne se contaminent pas l'un l'autre.

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/637867/shame-toutes-les-reactions-des-politiques.html
http://www.lalibre.be/actu/elections-2010/article/638060/ecolo-pret-a-quitter-la-negociation-si-rien-ne-bouge.html
http://archives.lesoir.be/shame-les-politiques-disent-entendre-le-message_t-20110123-017MJG.html?query=shame+r%E9actions&firstHit=0&by=10&sort=datedesc&when=-1&queryor=shame+r%E9actions&pos=7&all=16077&nav=1

Ceci dit, il n'y a qu'en Belgique qu'on se trouve confronté à une note Van de Lanotte! Comment est-il possible de s'en sortir? Peut-être, trois petites notes de musique ... "qui vous font la nique", comme chantait Yves Montand.

5. Ce qui me réjouit, c'est la capacité qu'ont les belges de réagir avec humour, avec le "petit plus" surréaliste qui nous caractérise. Chez nous, on est capable de se laisser pousser la barbe pour avoir un gouvernement. De camper virtuellement au 16, rue de la Loi. De lancer une campagne: "embrassez-vous par dessus la frontière linguistique". Les ressortissants étrangers ne doivent pas nous comprendre.

6. Impossible de terminer ce post sans évoquer une incontournable incarnation du politique: Nicolas Sarkozy. Tout le monde sait qu'il n'écrit pas ses discours. En serait-il seulement capable? Il dispose donc d'un nègre, lequel est cultivé, mais n'utilise pas nécessairement ses références culturelles à bon escient. Henri Guaino, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a inventé pour son président Sarko une formule, qui devait faire mouche: je conduirai une "politique de civilisation", formule empruntée à Edgar Morin. Voici ce qu'en dit l'intéressé, dans des mémoires:

"Pendant ses vœux, Nicolas Sarkozy a parlé de « politique de civilisation ». Son conseiller, Henri Guaino, qui connaissait au moins le titre, a eu cette idée. Quelques journaux ont dit que j'avais été pillé. Dans Le Monde, j'ai dit que je ne savais pas ce que Nicolas Sarkozy entendais par là et j'ai expliqué ce que j'entendais par « politique de civilisation ».
Comme je n'avais pas été très agressif, j'ai été invité à rencontrer Nicolas Sarkozy à l'Elysée. Il m'a dit que, pour lui, la civilisation, c'était l'identité, la nation, etc. J'ai expliqué : « C'est lutter contres les maux de notre civilisation tout en sauvegardant ses aspects positifs. » La discussion a été cordiale.
Il s'est trouvé qu'en le quittant, je lui ai dit : « Je suis sûr que, dans vos discours, vous êtes sincère les trois quarts du temps, ce qui vous permet le dernier quart de dire autre chose. » C'était une petite blague.
Le lendemain, un journaliste interpelle Sarko sur la « politique de civilisation » et il a répondu : « J'ai reçu Edgar Morin hier. Il m'a assuré être d'accord avec les trois quarts de ma politique. » 


http://www.rue89.com/entretien/2011/01/23/edgar-morin-une-voie-pour-eviter-le-desastre-annonce-187032


Pathologique, vous disais-je.

dimanche 23 janvier 2011

Belle lecture vs. tristes lectures

Ce dimanche, j'ai été courageux. Je me suis levé à huit heures du matin et je suis allé passer quelques heures sur la colline de Wavreumont. J'avais besoin d'une piqûre de rappel. Pour arriver jusque là, je ne m'attendais pas à rouler dans un brouillard d'enfer et dans des paysages enneigés dès lors à peine aperçus.

Arrivé un peu avant l'heure, j'ai marché sur cette route de crête que j'ai si souvent arpentée. Puis, il y a eu l'eucharistie. Et comme toujours une homélie qui m'a touché au plus profond. Frère Etienne ne l'a pas encore mise en ligne. Le thème en était la lumière et, plus précisément ceci, point de lumière sans ténèbres. La lumière, si on suit la Genèse, est la première expression de Dieu aux hommes. Ensuite, Dieu ne met pas sa lumière en tout, partout. Il organise la succession des jours et des nuits. A quoi peut servir la lumière s'il n'y a pas de ténèbres? Il n'y aurait pas de matin, ni de soir. Point de soleil qui se lève pour nous aspirer et point de soleil qui se couche pour nous apaiser et nous inviter à rentrer en nous-même.

On a trop oublié que la tradition biblique n'aime pas le refoulement. Il n'a jamais été question de nier la part sombre de notre être. La tradition juive l'atteste. Ceux qui ont dit, ou disent encore le contraire, sont de faux prophètes. Ils appellent à une perfection qui n'intéresse pas Dieu. Rien ne permet non plus de relier la part sombre de notre être à la sexualité.

Poursuivant ce thème de la lumière, on peut affirmer aussi que la lumière de Dieu n'est pas une, uniforme, univoque. Pourquoi? Parce qu'elle ne s'exprime qu'à travers nos propres zones d'ombre, une clarté différente donc pour chacun d'entre nous. La lumière de Dieu sans nous n'est rien.

Je relate ici non point l'homélie d'Etienne, mais ce qui m'a touché et ce que cela m'inspire.

Après la messe, je me suis promené pendant une heure dans le brouillard givrant et le silence de la nature. Entendant les cloches du monastère, je suis vite rentré pour l'office de midi. Je suis alors revenu en ville, là où je sens que je n'ai plus trop ma place.

Le contraste a été saisissant. Trompant mon ennui de ce dimanche de pluie, j'ai encore succombé au piège d'internet. Et j'en ressors déçu.

Tant de haine. Vous est-il déjà arrivé de lire les forums d'internautes sur les sites des grands quotidiens?

Tant de morgue. Je pense à certains esprits brillants qui ne se sont jamais mouillés pour aucune cause, mais commentent avec ironie et sarcasme toute initiative émanant de la base, eux, se situant au-dessus. J'attends toujours qu'ils inspirent les braves péquenauds, qui manifestent sous la pluie, de leurs lumières pour les aider à être moins populistes. Mais, une fois de plus cela n'est peut-être qu'un jeu "au xème degré". Attention toutefois à ne pas sombrer dans le vide et le néant: la matière et l'antimatière en quelque sorte.

Tant de méconnaissance. Ceux qui crachent avec tant d'aisance leur venin et leur mépris à propos des religions et des prêtres semblent être restés à un stade infantile: le dernier souvenir qu'ils en ont est celui d'un prêtre au catéchisme ou une dépêche sur la dernière bourde du pape Benoît XVI ou un atavisme familial laïc. Avant de parler, il faut d'abord chercher à connaître, à comprendre. Il ne faut pas parler de ce que l'on ne connaît pas ou seulement par ouï-dire. Je suis resté un peu abasourdi quand, après un échange "très soixante-huitard" sur Facebook, a été proposé  en points de suspension, un court métrage caricatural sur l'abbé Viollet, un abbé qui a sévi, avec audace, ... dans les années 1930-1940 (!!!) sur les questions de morale conjugale! Je me suis posé une question simple: depuis votre rejet de la religion, des prêtres, etc .. qu'avez-vous donc fait pour aller au-delà, pour tenter de comprendre, pour approfondir tout ce qui touche aux sagesses ancestrales des hommes? Vous seriez sans doute bien surpris.

samedi 22 janvier 2011

S'indigner, marcher et prendre les choses en main

Il semble que tout le monde se donne le mot.

Les papys font de la résistance et s'indignent. Stéphane Hessel, le premier, en France. Mais aussi, en Belgique, Henri d'Oultremont, qui a décidé de se laisser pousser la barbe, à l'appel de Benoît Poelvoorde, bien qu'il soit d'une génération peu ouverte à l'humour - désolant, il est vrai - de ce dernier.

http://www.diver-city.be/2011/01/crise-la-vraie-histoire-de-la-barbe.html

De jeunes étudiants flamands ont pris l'initiative d'une manifestation citoyenne pour dénoncer l'incapacité des politiques élus à se mettre d'accord sur un projet pour la Belgique. Elle se veut a-politique et sans barrière communautaire. Elle n'a d'autre but que de secouer et d'interpeler ces élus qui mènent le pays et sa population dans l'impasse, certains plus que d'autres. Bien entendu, des intellectuels se sont empressés de dénoncer, la veille même de la manifestation, une initiative dont le motif n'est pas assez précis, une initiative populiste et anti-politicienne. Moi, je trouve plutôt sain cette réaction populaire, d'autant plus qu'elle émane de jeunes gens. Cela veut dire quelque chose d'important: ils ne se retrouvent pas dans la démocratie telle que nous la pratiquons.

http://www.lalibre.be/actu/elections-2010/article/637815/faut-il-aller-manifester-dimanche.html

Il y a donc lieu de mener une réflexion sur notre manière de vivre la démocratie.

http://www.lalibre.be/actu/elections-2010/article/637664/philippe-van-parijs-le-systeme-electoral-pousse-a-la-surenchere.html

Des artistes belges, flamands et francophones, ont décidé de s'unir pour s'opposer au nationalisme borné qui, en Belgique, n'est que flamand.

http://www.rtbf.be/info/belgique/politique/succes-de-foule-au-kvs-pour-dire-non-au-nationalisme-borne-297550

Mais ce qui m'interpelle le plus, ces derniers jours, c'est la mobilisation du peuple tunisien.

Ce peuple aspire à la liberté, à la démocratie, à une vie meilleure, après tant d'années de régime autoritaire. Il est admirable ce peuple. Puisse-t-il être assez fort et assez inventif pour ne pas tomber dans les pièges qui le guettent: l'islamisme et la récupération par d'autres intérêts supérieurs.

Je me dis que nous avons une grande responsabilité, nous, les pays démocratiques européens. Et pourtant.

Quelle est l'image de la France? D'abord, une sympathie suspecte avec le régime du président Ben Ali. Ensuite, un régime présidentiel où les collusions, parfois les plus sordides, entre le pouvoir et les milieux financiers et industriels ne cessent d'être révélées. Bel exemple pour nos amis tunisiens qui précisément ont eu à souffrir d'une main mise par le pouvoir en place sur des pans entiers de l'économie.

Quelle est l'image de la Belgique? Un pays démocratique où il n'est plus possible de se mettre d'accord sur quoi que ce soit.

Quel est l'exemple de l'Italie? Un condottiere qui n'a rien à envier au président Ben Ali.

Qui préside l'Europe pour six mois? La Hongrie qui s'illustre, au moment de prendre la présidence, par une loi limitant la liberté de la presse.

Il y a donc lieu de se réjouir et d'être inquiet tout à la fois.

Que vont penser nos amis tunisiens?

jeudi 20 janvier 2011

Daumier et les hommes de loi

Honoré Daumier (1808-1879) a été un graveur, peintre et sculpteur, et aussi un féroce caricaturiste de la vie sociale et politique en France au  XIXème siècle. 



Les hommes de loi n'ont pas échappé à son regard, ni à sa plume.










Ses dessins étaient parfois accompagnés de commentaires féroces.

"Dites donc, confrère, vous allez soutenir aujourd’hui contre moi absolument ce que je plaidais il y a trois semaines, dans une cause identique…hé hé hé !... c’est drôle !...
Et moi, je vais vous redebiter ce que vous me ripostiez à cette époque… c’est très amusant, au besoin nous pourrons nous soufler mutuellement
…".


J'ai une pensée émue pour mes anciens étudiants, plus ou moins jeunes, devenus avocats. Puisse leur idéal ne pas prêter le flanc à la férocité des caricaturistes.







lundi 17 janvier 2011

Les aventures de madame Tchoupette (2)

Je suivais madame Tchoupette à la caisse de mon Carrefour local. Elle était toujours aussi blonde et "crollée", son rouge à lèvres toujours aussi vermillon et sa voix toujours aussi haut perchée. Et ses nombreuses années toujours aussi assumées.

J'étais perplexe. Dans ses commissions, il y avait douze boîtes de nourriture pour chat et 24 citrons en plastic devant contenir, je l'imagine, du jus de citron. Que peut-elle bien faire avec tous ces citrons en plastic et tout ce jus?

Dans mon Carrefour local, un magasinier-caissier Y., n'a pas sa langue dans sa poche et pratique volontiers la facétie.

Voilà donc madame Tchoupette à la caisse, sortant de son "caddie" un petit paquet (que le facétieux Y. avait glissé dans ses achats): une boîte de préservatifs.

- "C'est quoi ça, madame Tchoupette?"
- "Tchou, Je ne sais pas, hein moi, je n'ai pas mes lunettes. Dis-moi un peu, tchou, qu'est ce qu'il y a marqué dessus?"
- "Durex"
- "C'est une marque de piles, ça? Mais je n'ai pas besoin de piles moi, hein, m'tchou. J'ai dû me tromper. Allez, tu veux bien, tchou, mettre mes affaires dans mon caddie. Je te fais une grosse baise, hein, m'tchou".

Ceci est véridique.

dimanche 16 janvier 2011

Un dimanche sous le soleil d'hiver

J'aime le soleil d'hiver, beaucoup plus que le soleil d'été. Il y avait aujourd'hui un petit air de printemps. On revoyait de jeunes amoureux se bécoter sur les bancs publics et les gambettes des joggeurs s'étaient dénudées. Quant à moi, traînant mes douleurs, j'ai, après le marché, lu sur un banc au soleil. Puis, j'ai flirté quelques moments avec l'eau de la Meuse.

J'aime le soleil d'hiver parce qu'il est plus lumière que chaleur.
Ses rayons pourtant donnent à la peau une sensation de douceur.
Et peut-être cela rend-il les gens plus doux.

Fin d'après-midi, j'ai rejoint, pour une autre pause lecture, la terrasse du café Randaxhe, dont il semble que je ne puisse plus me passer. Il y avait du monde.  J'ai trouvé une petite place entre deux autres lecteurs: un monsieur de mon âge adepte de la bicyclette et une jeune maman avec son micheton (j'ai appris par la suite qu'il s'appelait Aloys ... comme l'évêque de Liège, un prénom peu répandu).

Qui a pris l'initiative de la conversation? Je crois bien que c'est moi. Audace! J'ai commencé avec le cycliste (psychologue) qui est rapidement parti sur l'évangile de Thomas, les apocryphes, etc. Je me sentais en terrain connu. Abordant la symbolique des écritures, j'ai souligné combien une lecture des textes avec les clés de la psychanalyse pouvait être intéressante.

Nous entendant, la jeune maman est alors intervenue. Elle a étudié la philosophie à l'université, est en cure psychanalytique et s'intéresse beaucoup aux religions.

Nous n'avons pas vraiment réussi une conversation à trois; je passais plutôt de l'un à l'autre.

J'ai aussi joué au grand-père avec Aloys (11 mois) qui m'avait adopté. Etre adopté était pour moi source d'une très grande joie.

J'ai poursuivi longtemps la conversation avec la jeune maman. C'est étrange comme parfois des choses essentielles peuvent se dire à une terrasse de café. Elle m'a conseillé plusieurs lectures. Elle habite la rue derrière chez moi et a deux autres enfants. Il n'a, à aucun moment, été question du père de ses enfants.

C'est bête, mais j'ai envie de dire: "merci" pour tout cela.

Quand le curé a oublié qu'il devait célébrer la messe et que les fidèles attendent

Depuis deux mois, quand le coeur m'en dit et aussi parce que j'en ressens le besoin, je rejoins la communauté des soeurs bénédictines, à l'abbaye de la Paix-Notre-Dame, boulevard d'Avroy, pour la messe du dimanche.

J'y vais pour plusieurs raisons: le lieu est beau, les soeurs chantent vraiment bien et leur répertoire est de surcroît bien choisi; le célébrant est différent chaque dimanche et les homélies par conséquent aussi. Cette communauté-là ne manque pas de vigueur, cela se remarque à sa manière de chanter qui n'est point languissante, et à ses engagements.

http://benedictinesliege.com/

Aujourd'hui, les soeurs étaient à l'heure pour l'office de tierce, qui précède la messe ... mais il n'y avait pas de célébrant pour la messe. Cela a suscité une réelle désorganisation finalement cocasse. Le brave père dominicain, qui devait célébrer, avait oublié. J'ai eu beaucoup de tendresse pour lui, il m'arrive aussi d'oublier. Il est arrivé en retard.

Il a un peu improvisé sa célébration, mais quel excellent improvisateur! Il a suivi le missel juste ce qu'il faut et pour le reste il a été lui-même. Cela sonnait d'autant plus vrai. Il ne lisait pas des mots, il disait pour nous sa prière à lui. Dans le fond, c'est cela que moi j'attends.

vendredi 14 janvier 2011

Into the wild

Je n'aurais jamais imaginé voir un film aussi prégnant que celui que j'ai vu, hier soir, sur RTL-Tvi, la chaîne belge que j'ai un peu tendance à dénigrer puisque privée et souvent égale à TF1. Moi qui ne regarde que rarement la télévision, j'ai vu ce film, avec Sam, mon fils, et plus d'une fois j'ai eu la larme à l'oeil.

Into the wild, un film de Sean Penn, daté de 2007, une adaptation du roman Voyage au bout de la solitude de Jon Krakauer.




J'ai regardé ce film avec beaucoup d'émotion, sans savoir qu'il reposait sur une histoire réelle, celle de Christopher Mc Landless, un étudiant américain brillant auquel sa famille et son diplôme promettaient un grand avenir. C'était sans compter que sa famille était un "sac de noeuds" et que ce jeune homme a éprouvé en lui l'intuition que ce grand avenir allait l'empêcher d'être lui. Un jour, il vide son compte en banque et verse le tout à Oxfam, puis il disparaît aux yeux de sa famille.

Beaucoup d'autres ont dû, comme lui, avoir au moins une part de cette intuition, mais peu ont eu le courage, la folie, de la rupture comme lui. Pour se trouver, être lui, il finira par vouloir rejoindre l'Alaska pour vivre seul dans la nature sauvage, là où l'homme n'a encore rien perverti. Il ne donnera plus de nouvelles à sa famille, mais gravera et écrira quelques étapes de son parcours. L'accompagneront les écrits de Jack London et d'un certain Henry David Thoreau: "Je partis dans les bois, parce que je voulais vivre sans me hâter, vivre intensément et sucer toute la moëlle secrète de la vie. Je voulais chasser tout ce qui dénaturait la vie pour ne pas, au soir de la vieillesse, découvrir que je n'avais pas vécu".


Avant d'atteindre le but de son rêve, un vieux bus perdu qu'il occupera dans un contexte de plus en précaire en plein milieu de la forêt, il fera quelques belles rencontres. Entre autres, un couple de vieux hippies, un ouvrier agricole généreux, mais mouillé dans une histoire de fraude, et surtout, surtout, un vieil homme.

Ce vieil homme, fils unique de parents qui étaient eux-mêmes enfants uniques, vit seul au milieu de nulle part, comme cela arrive si souvent aux Etats-Unis. Il n'a pas d'enfant. Son jeune compagnon de passage réveille quelque chose qui s'était peut-être éteint en lui au fil du temps. On imagine qu'il a envie de vivre par procuration la quête de son jeune ami. N'exprime-t-il pas merveilleusement ce désir quand, au moment de la séparation, il propose à notre héros, devenu Alex Supertramp, de l'adopter afin de pouvoir être son grand-père? Se prolonger dans un autre qui fera peut-être ce qu'on n'a pu faire ...

Il n'en sera rien pourtant. Notre héros, Alex donc, avait dit: "oui, quand je reviendrai". Il n'est jamais revenu. Mais de cette rencontre jaillit une des plus belles répliques du film: "LE BONHEUR N'EST VRAI QUE LORSQU'IL EST PARTAGE".

Les 5 mois passés en solitaire "into the wild" auront été l'ultime étape, celle de la clairvoyance, mais aussi de la déréliction, de l'abandon, de la souffrance et de la mort. Faut-il nécessairement passer par là pour être soi-même?

Je ne puis répondre à cette question, même si elle me travaille au fond de moi.

Je citerai seulement quelques mots. Tout au long du film, la soeur de Christopher, devenu Alex Supertramp, parle en voix off et, à un moment, elle dit: "TOUT CE QU'IL A DIT, IL DEVAIT LE DIRE; TOUT CE QU'IL A FAIT, IL DEVAIT LE FAIRE".

Je pense aussi à quelques paroles de la Bible: "Quitte ton pays ..." (Gn, 12, 1); "Renonce à toi-même" (Mt, 16, 24); "Vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux" (Mt, 19, 21); "Quiconque aura laissé maisons, frères, soeurs, père, mère, enfants ou champs ... recevra beaucoup plus et en partage la vie éternelle" (Mt, 19, 29). Cela me perturbe.

La bande son du fil est également remarquable, collaboration entre Eddie Vedder, chanteur du groupe Peral Jam, et le compositeur et guitariste Michael Brook.

mardi 11 janvier 2011

L'université de Waterloo

Dans le n° 2406 du Nouvel observateur (16 au 22 décembre 2010), on peut lire un intéressant article de Patrick Fauconnier intitulé "Le modèle Waterloo - Quand l'entreprise et l'université entrent en symbiose".

L'université de Waterloo, au Canada,  ne figure dans aucun des rankings tellement en vogue en ces temps de concurrence effrénée entre les universités, ni celui de Shangaï, ni celui du Times magazine. L'université de Waterloo compte 30.000 étudiants et se situe à proximité de la ville de Kitchener, une ville de la taille d'Orléans en France, à une heure de Toronto, capitale de la province de l'Ontario, la plus grande ville du Canada. Elle n'est pas et ne sera jamais ni Harvard, ni Cambridge. Vue ainsi, elle présente certaines similitudes avec l'Université de Liège.

L'Université de Liège compte un peu plus de 20.000 étudiants. Elle a son siège dans une ville de taille moyenne, 190.000 habitants en 2008 (205.000 habitants pour Kitchener). Elle ne figure en ordre utile dans aucun ranking, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne soit pas à la hauteur et ne comporte pas des secteurs d'excellence. Liège est à moins d'une heure de Bruxelles, capitale de la Belgique, mais aussi siège des principales institutions de l'Union européenne, et à deux heures de Paris. L'Université de Liège comporte une particularité que n'a pas l'Université de Waterloo. Liège se situe dans un triangle géographique à la frontière de trois Etats européens. Trois villes (Liège, Maastricht, Aachen) y sont distantes l'une de l'autre d'une trentaine de kilomètres. Dans ces trois villes, on trouve une université, tantôt complète (comme à Liège), tantôt partielle (comme à Maastricht et à Aachen). Certes, les langues pratiquées dans ces trois pays ne sont pas les mêmes, mais je ne comprends toujours pas, même si des partenariats existent, qu'il n'ait pas été possible de créer un pôle universitaire européen, unique et régional, au-delà de ces trois frontières. Voilà ce qu'on était en droit d'attendre du processus de Bologne.

Depuis 50 ans, l'Université de Waterloo utilise, pour son financement, un partenariat avec des entreprises liées plus ou moins étroitement à l'institution. Toutes les universités ont plus ou moins recours à cela aujourd'hui, vu la carence des pouvoirs publics en terme de financement de l'enseignement et de la recherche. L'Université de Liège aussi, depuis moins longtemps toutefois. Deux réticences s'exprimaient:
- un financement privé ne risque-t-il pas de compromettre l'indépendance de la recherche universitaire?
- si chaque secteur de la recherche universitaire doit, pour subsister, trouver des financements privés extérieurs, ne risque-t-on pas de voir s'éteindre la recherche dans les disciplines peu rentables? Et, par conséquent, un certain savoir. Une réponse existe évidemment: les sciences exactes plus lucratives doivent aider à financer les sciences humaines, où le savoir est moins sujet à brevet et à création d'entreprises.

A l'Université de Waterloo, cette politique a été payante, non seulement, elle attire des étudiants, mais elle attire aussi des professeurs de très grand format. Elle est à l'origine d'un réseau d'entreprises de haut niveau dans tout ce qui touche au high tech. 


Ce que je trouve intéressant, dans le projet de l'Université de Waterloo, se résume à deux choses:
- tout d'abord, l'impulsion donnée à de jeunes inventifs, avant même parfois qu'ils n'aient obtenu leur diplôme. Ceux-ci deviennent les mécènes de demain;
- le pari fait que la valeur d'une université ne se mesure peut-être pas au volume des écrits publiés par ses professeurs et chercheurs, mais aux réalisations de ses étudiants. Ceci me paraît fort important et fort méconnu.

Ayant peu publié, je puis affirmer être extrêmement touché, moi le professeur d'université un peu local, quand d'anciens étudiants, qui font aujourd'hui carrière à Genève, à Vancouver, à Luxembourg, ou ailleurs, me disent: c'est un peu grâce à vous, si je suis là aujourd'hui. Comme quoi, le professeur ne doit pas nécessairement avoir une stature internationale pour faire du bon travail.

Je ne perdrai cependant jamais de vue que tous les étudiants ne sont pas appelés à un grand destin et que former aussi de bons étudiants, fiables, rigoureux est aussi une des missions de l'université et que cela a toujours compté, pour moi, autant, sinon plus que la promotion des plus doués.

dimanche 9 janvier 2011

Le double entendre

En anglais, pour parler d'un double sens, on parle d'un "double entendre". Cela est amusant, surtout quand on considère que certains parlent "à demi-mot". Comment faut-il comprendre un discours à double sens, tenu à demi-mot? D'autant plus que certains aussi, parfois les mêmes, n'hésitent pas à tenir dans le même temps un double langage, ce qui est encore autre chose. Alors, quand vous êtes confronté à quelqu'un qui pratique, à demi-mot, un double langage à double sens ...

Ma question est moins anecdotique qu'il n'y paraît, puisqu'elle caractérise fréquemment le discours politique, avec le mensonge bien entendu. L'interminable et scandaleuse crise institutionnelle qui se déroule en Belgique en est un exemple particulièrement frappant.

En voici quelques exemples:
- quand ils arrivent à un minimum de consensus, les partis à la négociation ne mettent généralement pas plus de douze heures pour donner un contenu différent au texte de compromis laborieusement acquis qu'ils ont signé ... les formulations qu'ils choisissent, pour donner l'illusion du compromis, seraient-elles délibérément à double (ou multiple) sens?
- quand le jeune président d'un parti flamand annonce le premier que son parti ne s'assiéra pas à une table de négociations sur la base du texte d'un compromis proposé, bien qu'amendable, et qu'il ne le fera que quand ses amendements y seront intégrés, on croit rêver, d'autant que le discours tenu par ce président de parti ne reflète pas vraiment la position du bureau de son parti: ce parti tiendrait-il dès lors un double langage en interne et dans sa communication extérieure?
- quelle différence y a-t-il entre un neen maar et un oui à condition? Un jeune secrétaire d'Etat, dans un des débats dominicaux, a justement fait observer que celui qui dit oui à condition est prêt à se remettre sur le champ autour de la table pour discuter, tandis que celui qui dit neen maar indique qu'il n'est pas du tout prêt à reprendre les chemins de la négociation car il exige des préalables. Mais tout le monde le comprend-il ainsi? Le parti nationaliste flamand aime affirmer son réalisme pragmatique et sa détestation des caucus interminables. En réalité, il semble bien que ce parti, honteusement suivi par les sociaux-chrétiens du nord du pays, soit celui qui porte la responsabilité de ce gâchis. La différence pourrait pourtant être ténue entre le neen maar et le oui à condition.

Le double sens, seul, peut se montrer parfois réjouissant.

 En voici un joli exemple: "(elle) - Il me faut, disons le mot, 50 000 francs… (lui) - Par mois ? (elle) - Par vous ou par un autre !" (Sacha Guitry).

samedi 8 janvier 2011

Raoul Ubac

Le Grand Curtius, à Liège, propose jusqu'au 16 janvier 2011, et depuis le 15 octobre 2010, une rétrospective de l'oeuvre de Raoul Ubac.

 




L'ami qui devait m'accompagner pour voir cette exposition s'étant fait attendre autant que ma prime de fin d'année, j'ai décidé d'y aller seul.

Raoul Ubac (Ubach, à l'origine), né en 1910, est un peu un enfant du pays puisque, né à Cologne, il a passé son enfance à Malmédy, juste à côté des Hautes fagnes, ville wallonne rattachée alors à la Prusse germanophone.  Cette enfance l'a marqué et influencé autant que le Manifeste du surréalisme d'André Breton, qui lui fut révélé par un de ses professeurs. Lui, qui voulait rejoindre l'administration des Eaux et forêts, s'est finalement inscrit en faculté de lettres à la Sorbonne. Il rencontrera à Paris des grands noms du surréalisme; plus tard, il croisera le mouvement  Cobra. A la fin de sa vie,  il prendra un peu de distance par rapport à tout cela.






Ce qui me fascine, moi, c'est le professeur qui lui a fait connaître André Breton et son Manifeste du surréalisme. Il devait être un professeur d'exception. Un professeur comme j'aurais voulu avoir et comme j'aurais voulu être.

Parmi les oeuvres exposées, je n'ai pas été très sensible aux photos du début. Mais j'ai beaucoup aimé tout le travail sur l'ardoise et, au-delà de la sculpture sur ardoise, les toiles peintes en utilisant l'ardoise sculptée comme plaque à graver.

Comme toujours, ce qui m'aura le plus interpelé, c'est l'évolution progressive vers de plus en plus d'abstraction (les corps, les torses sont bien là, mais à peine figurés). La grande stèle qui clôture le parcours est d'une grande beauté dans son dénuement. Elle devient ainsi objet de contemplation.

Il y a aussi tout au long du parcours proposé un rapport constant avec la nature. Cela concerne les matériaux utilisés, mais aussi l'expression. Quand on regarde certaines peintures représentant des corps, on ne sait trop si on voit un ou des corps ou un agencement de bois et brindilles qui étonnamment représentent quelque chose.








vendredi 7 janvier 2011

Ce qu'il y a ... selon Arthur Adamov

En 1946, dans un ouvrage intitulé "L'aveu" (disponible encore chez Gallimard, coll. L'imaginaire, sous le titre Je ... Ils ...), Arthur Adamov écrivait ces quelques lignes qui m'ont toujours interpelé et que je veux partager aujourd'hui:

"Ce qu'il y a? Je sais d'abord qu'il y a moi. Mais qui est moi? Mais qu'est-ce que moi? Tout ce que je sais de moi, c'est que je souffre. Et si je souffre c'est qu'à l'origine de moi-même il y a mutilation, séparation.


Je suis séparé. Ce dont je suis séparé, je ne le sais pas le nommer. mais je suis séparé.


Si je n'étais pas séparé, je ne dormirais pas à chaque instant de ce lourd sommeil entrecoupé des râles du plus obscur remords. Je n'irais pas ainsi les yeux vides, le coeur lourd de désir.


Il faut voir clair. Tout ce qui en l'homme vaut la peine de vivre tend vers un seul but inéluctable et monotone: passer outre aux frontières personnelles, crever l'opacité de sa peau qui le dépare du monde.


Dans l'amour, l'homme mutilé cherche à reconstruire son intégrité première. Il cherche un être hors de lui qui, se fondant en lui, ressusciterait l'androgyne primitif. Dans la contemplation il appelle cette lueur d'abîme qui soudain fait étrange tout spectacle familier, il attend ce regard unique qui dissipe les brumes sordides de l'habitude et rend à tout objet visible sa pureté essentielle. Dans la prière, il a recours à cet autre qui gît au coeur de son coeur, plus lui-même que lui, et pourtant inconnu.


Derrière tout ce qu'il a coutume de voir, l'homme cherche autre chose. Toujours il est altéré. Altéré: celui qui a soif, qui désire. Mais altéré aussi celui qui est lésé dans son intégrité, étranger à lui-même. "Alter", c'est toujours l'autre, celui qui manque.


Et comment l'homme ne serait-il pas altéré dans les deux sens du mot, puisque tout vit en lui, puisqu'il résume la création dont il est le terme, qu'il va vers le tout, qu'il pourrait l'être mais qu'il ne l'est pas".



mercredi 5 janvier 2011

L'indignation et la résignation

Un petit texte, 32 pages, prix 3 euros, bat tous les records de vente en librairie, en France et en Belgique: Indignez-vous, Indigènes Editions, 2010. L'auteur: un vieux monsieur nonagénaire dont le parcours sur terre, et les réalisations, justifient amplement qu'il parle, quand d'autres parlent tant pour ne rien dire ou n'ont pas l'autorité pour s'autoriser à parler. Il s'appelle Stéphane Hessel.





La pire des choses est la résignation, une forme de soumission. La résignation est très répandue. Elle s'exprime, quand on vous dit, par exemple: "de toute façon, on ne peut pas faire autrement"; ou "il faut bien faire avec la crise et la mondialisation". A la résignation correspond un adjectif fréquemment utilisé par les résignés: de toute façon, c'est incontournable. Les apôtres de la résignation ne méritent guère d'être suivis. Parfois, ils sont un peu suspects, voire intéressés. Il est possible que se résigner les arrange.

L'indignation, c'est d'abord un refus et puis, dans le cas des "indignés résistants" une action.

Il ne peut y avoir des résignés et des indignés sans un conflit portant sur les valeurs: les valeurs dominantes (généralement fausses) et les vraies valeurs (censées être plus vraies). Ceci est quand même fort important! A quelles valeurs sommes-nous attachés? Quelles valeurs défendons-nous?

A chacun de les définir et de les situer. Je sais quelles sont les miennes.

Bien entendu, il y aura toujours de mauvais esprits pour reprocher à une initiative individuelle, comme celle-ci, des tas de choses. C'est le droit des mauvais esprits. Est-il si important de dénoncer les références à la résistance liée à la seconde guerre mondiale? Ou de relever un sentiment un peu trop pro-palestinien?
On peut reprocher aussi à l'auteur une forme de populisme. Ne joue-t-il pas sur l'émotion? L'indignation serait-elle le seul moteur de l'action politique?

L'essentiel se trouve dans les questions posées:
- la place donnée par les politiques à l'intérêt général de moins en moins et aux intérêts particuliers (parfois même les leurs) de plus en plus;
- la place de l'argent dans la société;
- l'uniformisation des modes de consommation, de la culture même;
- la concurrence et la compétition comme modèles;
- la place tenue par la violence dans la résolution des conflits;
- le poids des idéologies religieuses ou non religieuses.

Ce n'est pas très original? Sans doute, mais cela méritait d'être dit. Et de nombreux lecteurs doivent être heureux qu'un autre l'ait dit pour eux. Qu'en feront-ils? On peut être pessimiste ou optimiste. Au pire, ils s'endormiront avec le sentiment d'avoir été enfin compris. Au mieux, ils se réveilleront et trouveront de quoi orienter leur action.

J'ai été confronté, dans le milieu professionnel qui a été le mien, à ce dilemme "indignation/résignation". C'était lors des réformes imposées par le processus dit de Bologne. Un certain nombre de choses me paraissaient devoir être dénoncées. Mes observations, qui recueillaient l'assentiment d'un certain nombre de collègues, qui n'osaient le dire, se sont heurtées de manière constante aux arguments suivants: "de toute façon, on ne peut pas faire autrement", "ton combat est d'arrière-garde", "le recteur veut qu'on avance, pas qu'on réfléchisse, les décisions viennent d'en haut".

Je me réjouis donc de voir un collectif de collègues encore en fonction et venant de toutes les universités francophones avoir malgré tout une capacité d'indignation.

http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/634005/comment-le-management-gangrene-les-unifs.html

Je précise que, dans l'édition papier de la Libre Belgique, les professeurs qui ont signé ce texte sont nommément cités.

mardi 4 janvier 2011

A propos de valses et de polkas

Un ami comédien et metteur en scène me confiait encore dernièrement toute la détestation qu'il éprouvait pour le concert du Nouvel An, retransmis en Eurovision depuis Vienne, chaque premier de l'an, depuis je ne sais combien d'années.

Un autre ami par contre est un adepte fervent et éclairé. Il est même capable de comparer les versions successives et les chefs qui ont tenu le pupitre.

Moi, qui ne cesserai jamais d'être un béotien, je me tâte.

Que juge-t-on?  Le public? La musique? Le chef? L'orchestre? La salle?

Prenons les choses à rebours.

La salle est toujours la même... rectangulaire, donc avec des angles, que même les dorures et les décorations florales n'arrivent pas à estomper. Cela est révélateur. Ici, les lignes courbes ne sont pas trop de mise.

L'orchestre, prestigieux, est toujours le même. Comme je suis béotien, je ne sais pas ce que cet orchestre propose en d'autres circonstances. Je m'attache plutôt aux danseurs qui agrémentent la séquence.

Le chef change chaque année. C'est l'orchestre qui choisit son chef. C'est une bonne idée. Les chefs qui défilent sont parmi les meilleurs, ce qui ne veut pas dire que le répertoire, en grande partie contraint, leur convienne (qui décide de la programmation?).

La musique, sauf quelques exceptions timides, est dédiée à la famille Strauss, à la valse viennoise, à une époque, à un mode de vie qui ne sont plus vraiment ceux d'aujourd'hui. Ma mère, qui adore André Rieu et l'impératrice Sissi (si tu savais, la pauvre ...), aime aussi évidemment le concert du nouvel an. Pourquoi pas? Confidence pour confidence: si je ne me surveille pas, je suis prêt à bien aimer aussi, non pas Sissi, mais cette musique.

Le problème serait-il alors lié au public? Le public est on ne peut plus policé et discipliné: il suffit d'un signe et, dans la marche de Radeski, le public obéit au doigt et à l'oeil pour taper dans les mains. Il vient d'un peu partout dans le monde et paie même très cher pour assister à ce concert! Il ne s'agit pourtant pas d'un concert pour les riches puisqu'il est retransmis dans le monde entier, grâce à la télévision, dans tous les foyers. On est toutefois fort loin des Proms anglais et de la participation délirante du public!

Alors, pourquoi ne puis-je m'empêcher d'éprouver une certaine gêne?

Ce qui me gêne, ce n'est pas que cette musique puisse être considérée comme légère, et pétillante, c'est qu'elle soit convenue et convenable. Elle est imprégnée d'un parfum d'ordre établi qui ne me plaît guère. Je préfère de loin l'impertinence de Jacques Offenbach.

Nelly et monsieur Arnaud

Nelly et monsieur Arnaud, un film de Claude Sautet de 1995 est un de mes films préférés. Il repose sur deux acteurs formidables: Michel Serraut, d'une sobriété exemplaire, et Emmanuelle Béart, celle qu'alors j'aimais, par ce qu'elle était telle qu'elle était, très belle (je parle de la période avant botox).




J'aime ce film: il s'agit d'un film subtil parce que la relation entre les deux protagonistes est subtile. Elle n'est point dépourvue de sentiment, d'admiration réciproque, d'une certaine forme de tendresse. Ce n'est pas parce que les émotions ou le désir ne sont pas explicités qu'ils ne sont pas vécus.

Je suis particulièrement touché par cette relation entre un monsieur d'un certain âge et une personne beaucoup plus jeune. N'est-ce pas le modèle de relation que je cherche aujourd'hui? Cette relation est belle parce que, par petites touches, parfois maladroites, les deux partenaires se vivifient.

J'aime beaucoup aussi l'idée que l'improbable a priori puisse devenir un possible, quoiqu'il advienne.


lundi 3 janvier 2011

Melchior, Gaspard et Balthazar

Vous les connaissez tous: Melchior, Gaspard et Balthazar.

Plus personne ne donne aujourd'hui à ses enfants un nom de roi mage, sauf dans une famille belge liée à la politique, où à chaque Melchior ancien succède un Melchior nouveau.

Il a été dit que les mages venaient de l'Orient, mais, quand j'étais enfant, on m'expliquait aussi que Gaspard était noir, Melchior blanc et Balthazar sans doute entre les deux. Il n'y avait pas de mage venant d'Extrême-Orient. Quant à l'Occident, il ne semblait pas encore capable de produire des mages, semble-t-il.

Cela dit, ils ne devaient pas tous les trois venir de la même région pour être tout noir, tout blanc ou entre-deux.

N'oublions pas ce qui les a réunis: une étoile.

Ceci est important: venant de plusieurs endroits du monde, des hommes de races différentes, avec des couleurs de peaux différentes, partageant des cultures différentes, des religions différentes aussi sans doute, ont dans le même temps poursuivi une étoile, la même ...

Bien sûr, l'épisode des mages est une légende, mais l'auteur de la légende savait ce qu'il disait.

L'attentat meurtrier dans une église copte au Caire la nuit du 1er janvier dernier montre à quel point nous avons besoin de mages aujourd'hui, pour nous emmener à leur suite vers une même étoile.

Il existe aussi une autre légende qui dit que les Rois mages n'étaient pas trois, mais quatre. Le quatrième a, à un moment donné, fait fausse route aux trois autres. Il me semble que je lui ressemble un peu. Qu'a-t-il fait? Il n'a pas abandonné l'étoile, mais il l'a suivie dans un chemin plus tortueux. Ses présents, des perles qu'il a au long de sa vie offertes, alors que l'étoile ne brillait plus pour le guider, qu'elle était passée au-dessus de sa tête. Et sa rencontre enfin ... bien après les autres mages, au pied de la croix, quand il n'avait plus rien à offrir à l'enfant qu'il avait cherché toute sa vie.



dimanche 2 janvier 2011

Nouvel an, traditions et souvenirs

C'était un rituel immuable!

Il fallait être chez oncle Emile et tante Jeanne pour 11 heures du matin! Et pour cause, l'après-midi ils se faisaient un devoir d'aller sur toutes les tombes de la famille, puis après dans leur famille de Milmort! Quel programme! On servait des apéritifs, du vin blanc, du whisky et il y avait au milieu de la table un plat avec des gaufres de toutes sortes. Ma mère leur offrait des gaufres, ils nous offraient des gaufres et on devait manger des gaufres, alors qu'on n'avait pas faim. Enfant, j'essayais de pianoter sur le piano de mon cousin, mais ce n'était pas bien vu. Un enfant ne doit pas toucher au piano d'un futur concertiste. Devenu un peu plus grand, l'échéance de 11 heures du matin est devenue de plus en plus difficile à respecter, surtout un lendemain de veille! Mais j'étais sûr d'avoir une dringuelle (des étrennes). Alors ...

Puis, mes parents et moi rentrions à la maison avant la tournée de l'après-midi ...

1. D'abord, mes grands parents paternels et maternels
2. Puis, chez Alphonse et Maria, où déjà se rassemblait une part de la famille de ma mère. Maria avait les cheveux blancs et les joues roses; Alphonse parlait fort et avait une fâcheuse tendance à vous taper dans le dos, amicalement s'entend;
3. Ensuite, chez Oscar (dont le pantalon remontait au milieu de la poitrine) et Appoline (dite Poline qui faisait des bisous qui pètent). Ils vivaient chez leur fille Gaby et leur gendre José, médecin, et là toute la famille de ma mère se retrouvait pour finir le jour de l'an.

Ceci est la première période ma vie. Je rencontrais là des cousins que je ne rencontrais qu'une fois par an. J'y ai eu droit, enfant, à mon premier verre de martini, lors d'une de ces soirées où perpétuellement nous regardions, nous les gamins, La vache et le prisonnier, à la télévision, pendant que les adultes festoyaient. Et puis toujours, les dringuelles.

Les cousins Gaby et José étaient des gens très accueillants. On croisait chez eux quelques pique-assiettes: une vielle cousine en perdition et un vieux célibataire esseulé.

Une fois marié, les choses ont pris une autre tournure! Il a fallu ajouter des étapes, tandis que d'autres ont disparu ...

Parmi les nouvelles étapes, la cousine Jeanne: une vieille dame toujours très soignée, qui avait vécu en Afrique, où elle avait des boys et roulait dans une voiture décapotable de marque Floride ... On allait la voir dans sa maison de repos. et elle était invitée à toutes les fêtes de famille. Elle nous recevait avec tous les égards. On la flattait. Quant à l'héritage ...

Comme la famille de mon ex-épouse était, à l'époque, plus un clan qu'une famille (trois maisons mitoyennes avec un grand jardin commun), c'est là que le jour de l'an se finissait, non moins festif et arrosé que dans ma famille à moi.

Que reste-t-il de tout cela?

Rien. Une seule visite hier chez mes parents. Une choucroute ensemble, ce dimanche, tous les 5. Sam et Ben qui n'ont pas accepté de rejoindre le (les) clan(s) ...

Faut-il être nostalgique?

La vieillesse et la vie

J'ai été frappé, hier, quand je suis allé chez mes parents, l'après-midi, avec Samuel, pour le nouvel an. Benjamin qui était sorti à Bruxelles, la veille, dormait encore.

Les traditions ont été respectées. J'ai offert à ma mère du mimosa. Elle avait préparé quelques galettes et mon père une bouteille de vin blanc.

Ma mère était mi-enjouée, mi-râleuse sur mon père. Mon père était triste, un peu absent. Pourquoi?

Ne revenons pas sur ce qui le ronge depuis ces dernières années: une blessure, liée à la jalousie, qu'il eût mieux valu résoudre à l'époque (il y a 40 ans) que maintenant. Comme les silences et le refoulement peuvent faire des dégâts! Mes parents voudraient parfois que je sois leur confident et l'arbitre. Ce n'est pas possible. Un enfant ne peut pas entrer dans l'intimité de ses parents.

Mais il était triste aussi, je le crois, parce qu'il a eu peut-être l'impression que les mots traditionnels "Bonne année, bonne santé" n'étaient plus tout à fait adaptés. Mon père a encore toute sa tête et toute son ouïe, mais il se voit décliner physiquement. Il veut néanmoins toujours se surpasser quel que soit le défi. Il doit être là pour ma mère! Même s'ils se disputent beaucoup ces derniers temps, à près de 90 ans, il doit être là.

La tristesse de mon père me touche beaucoup. Je ne sais pas comment y répondre, sauf par quelques gestes d'affection maladroits.

Ma mère n'entend plus très bien et les conversations sont parfois cocasses. Elle mélange les prénoms, les dates, les rendez-vous. Elle imagine aussi des scénarios. Mais elle a la pêche et continue à s'intéresser à des choses. Bon, nous n'avons pas les mêmes goûts. Cela, je le sais, depuis l'époque où elle tentait de me rapprocher de jeunes filles qui lui plaisaient et que je trouvais toutes moches et insupportables. Il en est toujours de même aujourd'hui: tout ce qu'elle aime, je n'aime pas. Et tout ce que j'aime,  elle le dénigre.

Une nouvelle année pour mes parents. Je souhaite qu'elle soit pour eux plus sereine, paisible et entourée.