Je le croise, depuis quelques jours, place de l'Yser. Il a le visage creusé, une barbe de plusieurs jours, il mendie. Il doit être plus jeune qu'il n'en a l'air. La misère, l'expérience de la rue, plus que la drogue, du moins je pense. Il pleurait. Il a les yeux bleus délavés par trop de larmes. Il m'a demandé, comme il demande chaque fois, presque sûr d'essuyer un refus. Je suis passé comme les autres. Et puis, je n'ai pas pu. Je suis revenu sur mes pas. Maladroitement, j'ai proposé de lui offrir un sandwich. Le boucher venait de lui en offrir un dont il m'a montré les restes. Il était à bout d'être dans la rue. Il m'a expliqué qu'il avait mal et m'a montré ses jambes. Ce n'était qu'ulcères. L'effet d'un staphylocoque, m'a-t-il expliqué. Je lui ai suggéré d'aller à la maison médicale toute proche. Il s'y était présenté, il y a quelques jours. Il a obtenu une ordonnance, mais n'avait pas assez d'argent pour payer le tout. Le pharmacien lui a délivré une partie du remède et gardé l'ordonnance pour le reste, m'a-t-il dit. Même s'il ne m'a pas dit toute la vérité, sa détresse était réelle. J'ai complété le peu qu'il avait récolté depuis trois heures avec une générosité, finalement toute mesurée. Il est parti à la pharmacie ou ...
Le quartier se prépare à faire la fête jusqu'à dimanche soir. Il ne faut pas refuser la fête, mais il faut aussi penser qu'il y a des exclus de la fête.
Vivre sur une île, sans voiture, sans route, écologiquement protégée. C'est mon rêve: à une condition, qu'il ne s'agisse pas d'un paradis pour "people" ou personnes fortunées qui paient pour cela. Car, vivre sur une île, cela se mérite, cela ne s'achète pas. C'est comme le respect: ce n'est jamais un dû; on inspire le respect ou pas. D'abord, pour mériter de vivre sur une île, il ne faut pas seulement y passer juste un peu de temps. Il faut accepter de vivre longuement dans un lieu clos, limité, où il ne se passe à peu près rien, où l'on rencontre toujours les mêmes personnes, dont on a fait le tour en une heure ou deux. Il faut être capable de voyager avec peu de choses. Et, pour mériter l'île, il faut être capable d'y faire un voyage au long cours. Sinon, on y sera toujours un passager clandestin ou un étranger de passage.
Il y a bien des îles. Certaines toutes proches. Certaines en nous.
Jacques Brel est l'auteur de ce beau texte:
Une île au large de l'espoir
Où les hommes n'auraient pas peur
Et douce et calme comme ton miroir
Une île
Claire comme un matin de Pâques
Offrant l'océane langueur
D'une sirène à chaque vague
Oh, viens
Viens mon amour
Là-bas ne seraient point ces fous
Qui nous disent d'être sages
Ou que vingt ans est le bel âge
Voici venu le temps de vivre
Voici venu le temps d'aime
Une île
Une île au large de l'amour
Posée sur l'autel de la mer
Satin couché sur le velours
Une île
Chaude comme la tendresse
Espérante comme un désert
Qu'un nuage de pluie caresse
Oh, viens
Viens mon amour
Là-bas ne seraient point ces fous
Qui nous cachent les longues plages
Viens mon amour
Fuyons l'orage
Voici venu le temps de vivre
Voici venu le temps d'aimer
Une île
Et qu'il nous reste à bâtir
Mais qui donc pourrait retenir
Les rêves que l'on rêve à deux
Une île
Voici qu'une île est en partance
Et qui sommeillait en nos yeux
Depuis les portes de l'enfance
Oh, viens
Viens mon amour
Car c'est là-bas que tout commence
Je crois à la dernière chance
Et tu es celle que je veux
Voici venu le temps de vivre
Voici venu le temps d'aimer
Une île
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