Rechercher dans ce blog

samedi 29 août 2009

30 août 2009

Frédéric Janssen et Etienne Viatour, du cabinet d'avocats Bailleux & Causin, ne sont certainement pas soufis. Ils co-signent, dans la LLB du 29 août 2009, un article assez sidérant, que la rédaction met en exergue par la citation suivante: "L'observateur attentif peut ainsi relever une condamnation tranquille et unanime de la fraude fiscale proprement dite mais également de la démarche d'évitement de l'impôt". Ce qui est sidérant, dans la bouche de ces deux auteurs, c'est qu'ils s'offusquent de cette condamnation, se livrant à un plaidoyer douteux de l'évasion fiscale (légale, il va de soi). Loin de moi l'idée de réfuter le principe de légalité, mais je frémis en lisant ceci: "l'émotion publique générée par la crise financière est telle que sous les propos des politiques pointent souvent une dénonciation ferme et une condamnation morale sans nuance d'un élément subjectif pourtant solidement enraciné au tréfonds de tout esprit économique rationnel, à savoir l'intention délibérée de réduire au mieux la pression, préoccupation naturelle de tout agent économique soucieux de la bonne marche de ses affaires ou de la bonne tenue de son patrimoine" ... et plus loin "dans cet esprit, les montages et les produits de l'ingénierie fiscale sont, de propos délibérés, présentés comme visant par nature à éluder l'impôt. C'est l'imagination et la créativité juridiques qui sont ainsi mises au pilori. On regrette à haute voix qu'elle ne servent que ceux qui sont capables d'en supporter le caractère onéreux, c'est-à-dire les plus nantis, on accable ces derniers de tous les reproches et, pour mieux les atteindre, on encourage à ignorer les effets des constructions juridiques plus ou moins savantes, plus ou moins perfectionnées, élaborées par les milieux spécialisés". Rien de moins.

Réflexions:
- quand l'impôt est juste, on le paie parce qu'on pense qu'il est juste; on ne cherche pas à l'éviter, on y consent. S'il n'est pas juste ...
- pour considérer qu'un impôt est juste, et pour créer un impôt juste, il faut faire preuve de moralité; apparemment, ce n'est pas à la portée du premier venu;
- tant que les intérêts particuliers passeront avant le bien commun, l'impôt sera sans doute longtemps encore injuste aux yeux de certains;
- professeur de droit, et qui plus est de droit fiscal, je ressentirais comme une atteinte à mon honnêteté, et à mon intégrité, l'idée de former des étudiants en vue d'exercer plus tard la fonction que les auteurs de l'article décrivent et défendent. Pourquoi? Toute règle de droit (notamment la règle fiscale) exprime (fût-ce fictivement) un consensus social à un moment donné. Est-ce le rôle de juristes de se faire rémunérer (souvent grassement) pour permettre à certains de se situer en dehors du consensus social, afin de satisfaire leurs intérêts particuliers? La créativité, dont parlent les auteurs de l'article, est-elle bien employée, si elle se solde par une espèce de jeu "du plus fort" entre certains contribuables et l'Etat. Que de temps perdu! Que d'énergie pour "juste une poignée de dollars"!
- le droit peut être source de satisfactions. Je pense, de moins en moins, qu'il peut en être de même de certains juristes. Cela est pour moi une grande question. Qui touche aux valeurs que l'on estime pouvoir partager.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.