Il m'arrive de recevoir de temps à autre, mais de moins en moins, un "faire-part" m'annonçant une naissance ou un mariage. Quand il s'agit d'un décès, on publie plutôt une annonce dans la rubrique nécrologique d'un journal.
Certaines grandes familles annoncent aussi dans le journal les fiançailles de leurs enfants, puis leur mariage, ou le baptême de leur 23ème arrière-petit-enfant.
Le baptême, les fiançailles, le mariage, la mort. La vie?
Je m'arrête tous les matins, quelques instants, sur les annonces nécrologiques, moins pour les défunts dont il est fait part, que pour ce qui entoure le faire-part. Parmi les mentions les plus classiques, il y a "les funérailles ont eu lieu dans la plus stricte intimité" ou "ni fleurs, ni couronnes". Certains meurent "après avoir reçu les derniers sacrements", d'autres meurent "dans le respect de leur conviction". C'est étrange, car les premiers sont aussi, de toute évidence, morts dans le respect de leur conviction. Quant aux seconds, ils entendent généralement dire par là qu'ils sont morts avec la conviction qu'il ne faut pas avoir de conviction sauf la leur qui est de ne pas avoir de conviction. Ceux qui ne mettent rien doivent être ceux qui, face à la mort, n'ont pas de conviction du tout. Durant toute leur vie, ils ont toujours agi sans grande conviction, un peu contraints, et font de même au moment de mourir. Ils subissent leur mort avec la même absence de conviction qu'ils ont subi leur vie.
Quant aux annonces de naissance, parfois jumelées avec un baptême, le plus amusant est le nom choisi pour les jeunes nouveaux-nés. Soyons franc, mes parents m'ont appelé Xavier parce que c'était un prénom rare à l'époque et plutôt bien porté. Le choix d'un prénom est important dans la vie. Il vaut mieux s'appeler Thibaut, Yves-Henri ou Brieuc que Kevin ou Mohamed.
Certaines annonces nécrologiques se distinguent des autres.
Parfois, elles sont surmontées d'un pictogramme: l'étoile de David, la croix orthodoxe, la flamme laïque, la croix scoute, la croix des templiers ...
Certains défunts portaient de leur vivant d'étranges surnoms, sobriquets ou totems que l'on découvre à cette occasion: par exemple, Maminette, Yearlin "coeur vaillant", Didi, Tata, Chaton carressant (?), Papilou, Germaine (dans ce cas précis, on a nommé "Germaine" quelqu'un qui ne s'appelait pas Germaine, sans doute pour lui faire plaisir).
Certains défunts avaient tellement de mandats, d'occupations, d'engagements qu'ils ont droit à plusieurs avis nécrologiques (4,5, 6 ... 12). Cela leur fait une belle jambe maintenant qu'ils sont défunts.
Certains préfèrent rester sobres. D'autres doivent apprécier, dans leur tombe, qu'on ait énoncé les décorations qu'ils ont reçues, les titres dont ils peuvent se prévaloir. Dernier sursaut de vanité.
Dans certaines familles, on est impressionné par la liste des enfants, petits-enfants, arrière-petits enfants, des frères, soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, sans compter les oncles et tantes, les neveux et nièces ... Il ne s'agit plus d'une famille, mais d'une tribu. Ils doivent penser que plus il y en a, mieux c'est, vu qu'ils mentionnent aussi les morts! Les déjà morts font part ainsi aux vivants du nouveau mort qui les rejoint. A moins qu'ils ne s'agisse d'aider les généalogistes.
Je consacrerai un jour une rubrique aux citations que l'on trouve en exergue des annonces nécrologiques. On peut en faire un recueil.
Les faire-parts de baptême donnent lieu à un grand sursaut d'imagination et d'originalité avec des résultats parfois fort peu convaincants. Il y a des poussins, des poussettes, des petits canards qui se suivent, j'en passe et des meilleures, comme si l'arrivée d'un tout petit était forcément un événement "nunuche".
Mais ce n'est pas mon propos d'aujourd'hui.
N'y a-t-il rien d'autre que les naissances, les fiançailles, les mariages et les décès pour justifier un faire-part?
Envoie-t-on des faire-parts de divorce? de suicide? de mise à la retraite? d'hospitalisation? de "coming-out"? Cela ne fait-il pas aussi partie de la vie pourtant?
Ma question peut paraître étrange; mais pas tant que ça. Les réseaux sociaux (comme Facebook, par exemple) permettent aujourd'hui de faire part de tout et de n'importe quoi. Certains font part de leur mauvais réveil, de l'endroit où il sont, de l'endroit où ils mangent, de leur fatigue, de leur nuit voluptueuse, de leurs douleurs musculaires après la gym. D'autres, parfois les mêmes, font part de leurs indignations, de leurs lectures ou de leurs coups de coeur.
Ma mère a été très choquée par ceci: elle a reçu un faire-part annonçant le décès d'une de ses condisciples de classe à l'école normale. Ses enfants y avaient fait figurer la mention suivante: "Vos messages de sympathie peuvent être envoyés à l'adresse email suivante". "J'avais préparé une belle lettre, m'a dit ma mère, mais je ne l'ai pas envoyée".
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