Ils appartiennent l'un et l'autre à une famille connue, en Belgique, dans le milieu de la musique. Ils sont tous les deux curés.
Un des deux curés, je le croise de temps en temps, dans mon extraordinaire quartier: juché sur son vélo, la barrette sur la tête et la soutane au vent. Après avoir dit la messe en latin selon Saint Pie V à l'église du Saint Sacrement, au boulevard d'Avroy, il rejoint l'ancienne chapelle de l'hôpital de Bavière, près de chez moi, pour une deuxième messe identique. Je ne connais pas personnellement l'abbé S., mais il m'est sympathique. Malgré un âge, qui doit commencer à devenir respectable, il roule à vélo comme un jeune homme. On raconte, mais je ne sais pas si c'est vrai, qu'il n'hésitait pas à rejoindre à pied, à travers bois, Eupen à Banneux, pour y dire une messe. Pour cela, il faut se lever tôt et être capable de marcher 30 km (aller, mais aussi retour)! Aujourd'hui, chapelain de Banneux, lieu d'apparitions mariales et de pélerinages, il est "bi-ritualiste", avec quand même une nette préférence pour le rite ancien, celui qu'on appelle "tridentain", par référence au concile de Trente.
L'abbé S. a un frère, qui s'appelle aussi l'abbé S. ... allez savoir pourquoi. Pour les différencier, appelons-les S1 et S2.
S2 est plus sédentaire que S1. Il s'est installé dans un petit village dans cette partie de la Belgique qui est germanophone. Un village, une centaine d'habitants, deux églises et deux curés! Le curé diocésain et le curé traditionnaliste. Car, S2 est plus radical que son frère; je veux dire que, lui, n'est pas bi-ritualiste du tout. Quand monsieur le curé diocésain croise monsieur le curé traditionnaliste, et vice-versa, chacun dit à l'autre: "Bonjour, monsieur le curé!". Monsieur le curé diocésain doit sans doute gérer aujourd'hui une dizaine de paroisses. Monsieur le curé traditionnaliste a la charge de 30 âmes, mais le week-end, son église se remplit de chrétiens venant d'un peu partout.
Contrairement aux apparences, que l'on sait trompeuses, la diocésaine est la première et la traditionnaliste la seconde.
Le village s'appelle Steffeshausen. Il se situe dans une région superbe. Je ne saurais trop vous inviter à y aller un jour. Au départ de Steffeshausen, vous avez accès à une route de crêtes où le panorama est exceptionnel. Avec une église et son clocher à bulbe, au fond de la vallée. Au bout de cette route, la forêt vous ouvre les bras.
Un jour, j'ai reçu un appel téléphonique de la télévision belge me sollicitant comme expert (moi? expert? en quoi?). Le fisc belge s'interrogeait sur l'origine des fonds ayant permis à S2 de construire une chapelle à Steffeshausen. Le brave abbé expliquait que tout cela était le produit des quêtes dominicales et de dons venant de sympathisants. Le fisc était moyennement convaincu. Il est vrai, l'abbé enseignait la foi à ses fidèles et il ne devait pas connaître beaucoup de sceptiques demandant à être convaincus. La presse s'était naturellement emparée de l'affaire, avec la délicatesse qui la caractérise parfois: taxer l'abbé sur les dons reçus, n'était-ce pas instaurer (ou restaurer) une forme de "denier du culte" ou un "impôt sur les biens de l'Eglise"? Mon Dieu, que la presse peut-être bête. Quand je suis convoqué comme expert, c'est toujours à propos d'affaires de ce genre!
Récemment encore, un journaliste m'a appelé, parce qu'il voulait faire un article sur les frais, un peu exceptionnels, déductibles fiscalement. L'objectif était le suivant: certains ont le droit de déduire des choses que, vous, vous ne pourrez jamais déduire (cotisation à un Rotary Club, cotisation à un club de sport, frais exposés à l'occasion d'un mariage, cotisation à un club de golf, achat d'une voiture de luxe). J'ai décliné l'invitation, mais l'article a paru. Un autre expert a dû accepter, lui.
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