Eux, je les rencontre, tous les matins. Ils ont grosso modo dix ans de plus que moi. Comme moi, ils prennent leur café matutinal à la terrasse du café Randaxhe. Elle était enseignante (français-religion), dans une école catholique, lui, ingénieur. C'est lui qui a permis à mon fils S. de faire un stage en entreprise, lors de sa formation. Ils lisent beaucoup, tout comme moi. Nous nous échangeons des livres, nous en parlons, nous nous faisons découvrir certaines choses. Nous évoquons souvent aussi des souvenirs de voyages ou d'études (les nôtres ou celles de nos enfants). C'est toujours chaleureux, bienveillant, intéressant, stimulant et drôle. Quand nous parlons de nous, c'est toujours parce que cela peut intéresser l'autre. Et chacun de nous, dans nos conversations, s'intéresse à l'autre.
Lui, je l'avais invité à dîner, vendredi dernier. Il est charmant, cultivé. Je l'avais rencontré, il y a quelques années, lors d'une soirée imprévue chez le cousin d'un ami. Il ne fait pas son âge. A l'issue de cette soirée, j'avais cru discerner en moi un petit "pincement de coeur". Ayant eu l'audace de le lui exprimer, dans une lettre, il m'a confié qu'il aimait plutôt l'exotisme. Je le comprends. Il est vrai en outre qu'entre anciens élèves des bons pères jésuites, l'exotisme fait un peu défaut. Cela ne nous a pas empêchés de nous revoir de temps en temps pour un repas ou une excursion. Vendredi, ce fut une soirée fort agréable, suffisamment complice pour ne pas parler que de généralités. Ici encore, chacun s'intéressait à l'autre. Et l'humour n'était pas absent.
J'évoque ces deux petits aspects de ma vie (j'aurais pu en évoquer d'autres) parce qu'ils illustrent pour moi la convivialité, telle que j'aime la vivre. Et je ne compte pas ici avec les petits gestes tout simples de la vie quotidienne: quelques mots à un voisin croisé dans l'ascenseur, une conversation avec son coiffeur, son libraire, son boucher ou avec la caissière de son supermarché, un "bonjour, bon travail" au balayeur de rues croisé tous les jours.
Des moments, qui devraient être aussi de purs moments de convivialité, finissent par ne plus l'être, lorsque, par exemple, l'un ou l'autre convive occupe tout le terrain, en ne parlant que de lui. Vous avez tous connu cela, j'imagine. Et vu qu'on rit (parfois faussement) de ce qu'il raconte (surtout s'il raconte bien), on l'engage à poursuivre. Il en va de même, quand, dans une assemblée, vous avez deux compères qui pratiquent le "private joke" et estiment que ce qui les fait rire eux doit nécessairement faire rire les autres ou, pire, rient entre eux sans que les autres comprennent. Enfin, il y a, pour moi, une forme de convivialité qui finit souvent par me lasser, c'est la convivialité "langue de vipère", qui consiste dans une certaine communion à se moquer de quelqu'un qui n'est pas là ... Je l'avoue, j'aime ça un peu, mais juste un peu.
Un mot cependant, écrivant ce texte, me hante: le "narcissisme". Certains de mes amis parlent souvent de narcissisme à propos de l'une ou l'autre connaissance communes ou de collègues. Beaucoup de choses s'expliqueraient par leur narcissisme et ils ne disent pas nécessairement (et même généralement pas) cela pour en dire du bien. Il est vrai, on ne parle bien que de ce que l'on connaît. J'aime beaucoup les narcisses, beaucoup moins les narcissiques.
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Il y a 11 mois
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