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lundi 30 août 2010

Victor

Victor n'est pas son vrai nom, mais c'est le nom sous lequel je l'ai connu pendant moins de trois mois.

Il errait dans les rues de Liège. Il avait alors 34 ans. Il avait fui le Kosovo avec sa femme et ses deux petits enfants. Son épouse, qui se sentait ici en milieu hostile, refusait de sortir de leur minuscule appartement. Il assurait seul un contact avec le monde extérieur. Il n'errait pas en rue, parce qu'il ne savait que faire, mais parce qu'il cherchait un homme à aimer, un homme qui le prendrait dans ses bras. J'ai été celui-là pendant quelques très belles semaines.

Il m'a expliqué qu'il avait fait des études de médecine là-bas (j'ai encore dans ma cave tous ses syllabi) et puis il a fui. La vie n'était pas facile pour lui là-bas. Etait-elle meilleure ici?

Nous avons vécu une relation très forte, très belle.

Il écrit des poèmes en langue albanaise, qui sont publiés.

Nous avons été ensemble au concert. Nous avons visité des expos. Cela le rendait extrêmement heureux. Nous finissions la soirée chez moi.

Un soir, alors que nous nous promenions sur les quais, dans un endroit un peu plus sombre que les autres, nous nous sommes embrassés. Il vient de me dire aujourd'hui que, ce jour-là, il voulait que nous vivions ensemble. Mais, il a rejoint sa famille peu après.

Le gouvernement belge a offert une prime de retour pour les Kosovars. Avait-il le choix?

Je ne sais toujours pas quels prétextes il a pu invoquer, mais sa dernière nuit à Liège, il l'a passée à mes côtés dans mon lit, blotti dans mes bras.

Le lendemain, nous avons chargé dans ma voiture une partie des bagages de sa petite famille et, avec d'autres amis, nous les avons tous reconduits à l'aéroport.

La séparation fut étrange. L'envie d'un geste tendre qui était empêché par les circonstances.

Il a maintenant une belle profession à Pristina. Il adore ses enfants. Sa femme sait qu'il préfère les hommes. Elle demande le divorce. Il ne sait plus trop que faire entre les convenances sociales, la loi du silence et son désir.

Il m'a invité là-bas pour visiter la région. Il m'a dit: c'est une région à visiter, pas une région pour vivre.

Il aimerait s'établir au Canada.

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